Réinventer le métier d’ingénieur pour en valoriser le rôle dans la société

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Réinventer le métier d'ingénieur pour en valoriser le rôle dans la société Livre Blanc 2011 ISAE Executive ClubRéinventer le métier d’ingénieur pour en valoriser le rôle dans la société Livre Blanc 2011À PROPOS DE CE DOCUMENT Genèse Ce livre blanc a été élaboré courant 2009-2010 par l’ISAE Executive Club. Ont participé aux travaux des diverses commissions de réflexion thématiques (internationale, recherche, entrepreneuriat/ innovation, sociétale) : Lucien Bourely (Brighterion), Philippe Bouquet (ATOS ATG Tolkit OSL Systemes), Annie Combelles (DNV IT Global Services), Jean-Christophe Corde (Safran), Bertrand Delahaye (Safran), Jean-Pierre Devaux (DGA), Baudouin d’Hérouville (Axa Private Equity), Pierre Fabre (Turbomeca), Philippe Forrestier (Dassault Systèmes), Gilles Guillon (The Blackstone Group), Patrick Haouat (Erdyn Consultants), Jean-Claude Hironde (Dassault Aviation), Patrick Johnson (Dassault Systèmes), Olivier Journet (Dassault Falcon), Jean Lamy (FCI), Jacques Lefèvre (Stratorg), Jean-Marc Nozeran (A.T.E.), Louis-François Pau (Ericsson), Alain Picard (Dassault Aviation & Fondation ISAE-SUPAERO), Franck Poirrier (Sodern -EADS), Olivier Zarrouati (Zodiac Aerospace). La rédaction de ce document, à partir des éléments fournis par les différentes commissions, les remarques et compléments de membres du Club, doivent beaucoup à Jean-Pierre Desthuilliers. 3ÉDITORIAL Il y a urgence ! La France - et l’Europe - n’aiment plus leur Industrie. L’industrie (hors services à l’industrie) n’y représente plus que 16% du PIB contre 22% en 1998. Une des raisons de ce désamour vient d’une sorte de désertion d’un trop grand nombre d’ingénieurs formés et diplômés en France, qui boudent les métiers de l’industrie et tout particulièrement le métier d’ingénieur au profit de carrières plus visibles et rémunératrices. L’ISAE Executive Club a analysé les éléments principaux à l’origine de cette crise à savoir le manque d’attractivité des débouchés des Écoles, le niveau insuffisant de pratique et d’expérimentation dans l’enseignement et le déficit d’image sociétal. De nombreux pays émergents, passant d'une mentalité d'imitation à une mentalité d'innovation, considèrent à juste titre le déploiement volontariste des formations d'ingénieur comme un atout essentiel dans la compétition mondiale. Le jour viendra où ils nous exporteront leurs ingénieurs. L’urgence est là, les technologies de l’avenir risquent de nous échapper. Il faut réinventer le métier d’ingénieur. Cette analyse nous conduit aujourd’hui à proposer trois domaines d'action prioritaires, ceux qui ont structuré notre travail de réflexion : 1 Renforcer la dimension internationale 2 Développer l’innovation et l’entrepreneuriat 3 Accompagner la métamorphose du métier. L’analyse de la situation dans chacun de ces domaines est donnée dans les chapitres I, II et III de ce livre blanc. 5Pour chaque domaine, nous faisons aujourd’hui des propositions d’action stratégiques, indispensables de notre point de vue pour que la situation change et change vite. Les douze propositions d’action recommandées sont les suivantes : I Renforcer la dimension internationale 1 Créer des sites sous label propre en pays étranger 2 Impliquer les communautés scientifiques et industrielles internationales dans les Écoles d’ingénieurs 3 Définir un seuil minimal exigible de compétence à l’international 4 Rendre les Écoles visibles sur les réseaux de communication mondiaux 5 Développer l'accueil et l'intégration des étudiants étrangers II Développer l’innovation et l'entrepreneuriat 6 Préparer et motiver les ingénieurs à oser et savoir développer une innovation 7 Préparer les ingénieurs à la création ou la reprise d’entreprise 8 Rendre plus attractives les carrières en PME et plus particulièrement dans les PME innovantes III Accompagner la métamorphose du métier 9 Développer les synergies entre les formations d'ingénieur et de docteur 10 Réinventer les rapports entre recherche et enseignement 11 Renforcer les capacités managériales de l'ingénieur 12 Valoriser l'ingénieur comme acteur essentiel du progrès 6Les buts poursuivis, en proposant que soient mises en œuvre les propositions de changement ici résumées, sont de contribuer à conserver en France un rôle majeur dans la construction européenne, et de pérenniser sur le territoire européen l'existence de centres de compétence à haute valeur ajoutée. Bruno Revellin-Falcoz Ingénieur SupAéro Ancien Vice PDG de Dassault Aviation Président de l’Académie des Technologies Membre de l’Académie Nationale de l’Air et de l’Espace 7 ÉDITORIAL9 Le métier d'ingénieur est en crise en Europe. Depuis deux décennies, la France fait face à une désaffection pour les études scientifiques. Les filières scientifiques universitaires sont en perte de vitesse : leurs effectifs ont baissé de 10% en 10 ans 1 . Les Écoles d'ingénieurs continuent d'attirer des étudiants, mais doivent faire face à la concurrence croissante des Écoles de commerce. En dix ans les effectifs des classes pré- paratoires scientifiques sont tout juste restés stables. Ceux des classes préparatoires commerciales ont pendant le même temps bondi de 25%2 . Fait significatif, alarmant, dangereux par ses conséquences, les matières emblématiques des études scientifiques que sont les mathématiques et la physique sont les plus délaissées 3 . Le métier d'ingénieur est en crise en Europe. Ses débouchés ne sont pas assez attractifs. Son image est ternie. Son enseignement demeure encore trop académique. Les pays émergents s’organisent sans nous. Le jour viendra où ils nous exporteront des ingénieurs. Notre capacité industrielle est en péril. Les technologies de l’avenir risquent de nous échapper. Il faut sauver le métier d’ingénieur. INTRODUCTIONSeraient-ce les craintes à l'égard de la science et de la technique, peurs que traduisent l’exaltation du principe de pré- caution et l’obsession du risque zéro, qui seraient à l'origine de cette désaffection ? Rien ne le prouve. Comparée à d'autres métiers scientifiques, la profession d'ingénieur est de loin la moins appréciée. Elle n'est digne d'estime que pour un français sur trois. Alors qu’un sur deux a une bonne perception des autres métiers scientifiques et huit sur dix de ceux de la médecine 4 . Que s'est-il produit ? Pourquoi un métier jadis symbole de réussite individuelle et de progrès pour tous se trouve-t-il aujourd'hui à ce point décrié, déclassé, dépassé ? Les débouchés du métier d’ingénieur ne sont pas assez attractifs. La voie royale pour accéder à des responsabilités ne passe plus par l’exercice des métiers de l’ingénieur dans un poste industriel ou scientifique. Les postes commerciaux, de consultant, ou en ce moment plus encore de la finance promettent carrières rapides, fortes rémunérations, et attirent de ce fait toujours plus de talents. Ils détournent certains des ingénieurs les plus brillants de leurs débouchés classiques. En 2008, un quart (25%) des polytechniciens a commencé sa carrière dans le secteur de la banque. Ce pourcentage est en constante augmentation 5 . L’image du métier d’ingénieur est ternie Les métiers ouverts aux ingénieurs, en particulier dans l'industrie, ne font plus guère rêver. Nombreux sont les étudiants qui ne choisissent cette voie que par défaut, sans en bien connaître les débouchés potentiels. De ce fait, un tiers des élèves ingénieurs songe à abandonner en cours de 1011 route faute de motivation et d’énergie à y consacrer mais le nombre d’abandons réels reste faible. 6 L’enseignement demeure encore trop académique Les méthodes d'enseignement, trop peu axées sur l'expérimentation, découragent de nombreux élèves intéressés par les sciences. Bien que les études scientifiques soient réputées difficiles, un peu arides, l'excellence continue de leur être associée. Or les élèves sont de moins en moins nombreux à les tenter. Le nombre de bacheliers scientifiques est certes resté constant depuis quinze ans, mais ils sont maintenant deux fois moins nombreux à rejoindre une Faculté des Sciences ou une de nos Écoles d’ingénieurs : les autres s’orientent vers d'autres filières 7 . Les pays émergents s’organisent sans nous Cette crise des vocations touche également, dans une certaine mesure, les pays émergents où, là aussi, la finance et le commerce attirent les étudiants au détriment des métiers de l’ingénieur. En Chine par exemple, le gouvernement a fait du développement de l'aéronautique un des axes majeurs du plan quinquennal actuel. Il s'est donc alarmé du manque d'ingénieurs. Il a aussitôt mis en place une politique volontariste pour former les ingénieurs nécessaires pour soutenir la croissance chinoise. Ainsi la Commercial Aircraft Corporation of China, constructeur du C919, concurrent made in China de l’Airbus, a besoin de recruter 3 000 ingénieurs en aéronautique par an, embauche-t-elle des promotions entières des meilleures Universités que sont Xi'an, Pékin, Nankin et Chengdu, pour faire du pays une vraie puissance industrielle dans ce domaine. INTRODUCTION12 Le jour viendra où ils nous exporteront des ingénieurs Ainsi, en dépit de cette crise de vocation, ces pays font de la formation des ingénieurs une arme dans le contexte de mondialisation économique. Chez eux et aussi à l’étranger : les étudiants chinois représentent ainsi la deuxième plus importante communauté étrangère à Harvard. Dernières entrantes sur ce marché de la connaissance, les Universités chinoises et indiennes réunies forment déjà chaque année un million d’ingénieurs, soit proportionnellement autant que la France avec ses trente mille diplômés. De plus, les systèmes éducatifs des pays en développement s'améliorent très rapidement. Les Universités établissent des partenariats avec nos meilleures institutions, telle l'École Centrale à Pékin ! L'objectif à terme pour ces pays est de passer d'une croissance par l'imitation à une croissance par l'innovation 8 . La frontière technologique va s’estomper et les activités à forte valeur ajoutée ne vont donc plus longtemps rester le privilège exclusif des pays occidentaux. Notre capacité industrielle est en péril Les entreprises multinationales raisonnent tout naturellement à l'échelle mondiale. Les systèmes productifs s’internationalisent avec l’implantation d’usines, mais aussi de centres de Recherche et Développement, dans les pays offrant les meilleures ressources à bas coût. Les enjeux pour la France et l'Europe sont clairs et vitaux. Nous devons :  rester maître de la technologie,  garder sur notre territoire des centres de compétence à forte valeur ajoutée.13 Les technologies de l’avenir risquent de nous échapper La France ne saurait rester une grande puissance économique en ne s'appuyant que sur les services à la personne, la gastronomie ou le tourisme. Face à des puissances démographiques émergentes, elle doit sortir par le haut de la concurrence mondiale et développer une industrie, et une capacité en ingénierie fortes, en particulier dans nos domaines d'excellence que sont l’aéronautique, la construction, la production d’énergie. Il est aussi temps pour la France de s'affirmer dans des secteurs d'avenir tels que les nanotechnologies, la biotechnologie ou les énergies renouvelables. Cela ne se fera pas sans ingénieurs capables de porter l’innovation. Il faut sauver le métier d’ingénieur Ainsi, il est indispensable de valoriser le métier d'ingénieur, d’en restaurer l’image, d’en cultiver l’excellence. La France peut, au sein de l'Europe, s’imposer comme le moteur de cette rénovation urgente et nécessaire. Les ingénieurs de demain ne devront pas seulement posséder la connaissance pointue d'une ou plusieurs spécialités, mais être ouverts sur le monde :  Ouverture à la dimension internationale : Savoir appréhender les perspectives et les contraintes d'une mondialisation irréversible, au cours de leurs études puis dans leur vie professionnelle, pour l'assumer dans sa globalité.  Ouverture à l'innovation et à l'entrepreneuriat : Oser prendre des risques, créer de nouveaux centres de valeur ajoutée, tant par le biais d'emplois que de produits nouveaux, libérer les aspects créatifs de leur métier et contribuer à la source au développement industriel.  Métamorphose du métier : Ancrer les compétences dans une bonne pratique de la recherche pour mobiliser les ressources d'une culture scientifique de haut INTRODUCTION14 niveau, s'ouvrir plus sur la société, pour en comprendre mieux les attentes, y jouer un rôle d'animateur responsable, s'engager dans la conduite des affaires économiques et sociales.À propos de ce document Éditorial Introduction 3 5 9 Sommaire Général 15 I Renforcer la dimension internationale 17 II Développer l’innovation et l'entrepreneuriat 31 III Accompagner la nécessaire métamorphose du métier 43 IV Accroître la reconnaissance du rôle de l’ingénieur dans la vie de notre société 71 V Table des matières détaillée 113 VI L’ ISAE Executive Club 117 1516RENFORCER LA DIMENSION INTERNATIONALE Quels sont les enjeux actuels et futurs de l'ouverture à l'international de nos Écoles ? Ont-elles atteint la taille critique requise pour exister à l'international ? Sont-elles assez porteuses de pluridisciplinarité, d'innovation pédagogique, de nouveaux contenus d'enseignement répondant aux besoins du marché ? Comment les diplômes délivrés sont-ils perçus à l'international ? Quel est leur maillage avec les réseaux scientifiques et industriels internationaux ? Quel est l'impact de leurs actions sur le tissu industriel mondial ? Ce chapitre, après avoir abordé les enjeux internationaux des Écoles d’ingénieurs sous les angles suivants : I-1.1- Les enjeux géopolitiques et la compétition industrielle I-1.2- La taille critique des établissements et des infrastructures I-1.3- Le marquage international et la visibilité dans les médias I-1.4- L’appréciation des diplômes par les recruteurs à l'international I-1.5- L’importance de la multidisciplinarité et de l'innovation dans chaque discipline I-1.6- Les accréditations et les classements internationaux I-1.7- L’animation des réseaux internationaux I-1.8- La capacité des ingénieurs à gérer des hommes à l’international souligne les points forts des Écoles d’ingénieurs à 17 - I -18 l’international avant de faire cinq propositions stratégiques d’amélioration. I.1 Contexte et enjeux internationaux des Écoles d'Ingénieurs I-1.1 Les enjeux géopolitiques et la compétition industrielle La formation des ingénieurs et la recherche appliquée revê- tent de façon évidente une importance croissante dans les enjeux et rivalités géopolitiques. Les pays développés cherchent à asseoir leur avance relative en axant leur activité sur les économies du savoir et sur l’innovation. La plupart des pays émergents réalisent qu’il ne suffit plus de disposer de ressources naturelles et/ou de main d’œuvre bon marché pour satisfaire les aspirations des populations. De plus, ils constatent que les importations de produits finis ou de process de haute technologie les handicaperont à terme et que les achats d’entreprises étrangères ne sont pas aisés. En d’autres termes, les ingénieurs des pays émergents sont considérés comme les nouveaux capitaines, alors qu’au contraire, dans les pays développés, les ingénieurs se voient proposer des carrières ternes tout au plus récompensées par la paternité de publications scientifiques. Le temps où des jeunes à haut potentiel quittaient la Chine ou l’Inde pour acquérir un diplôme aux USA ou parfois au Royaume Uni est révolu : s’ils y viennent toujours quelques années, ils sont maintenant de plus en plus nombreux à revenir ensuite dans leur pays d’origine. D’autant plus que les grands groupes localisent en Asie des centres de conception et de R&D leur offrant des opportunités plus nombreuses qu’aux USA ou en Europe. Voir des Universités privées axées sur l’engineering, comme le MIT, Berkeley, Georgia Tech, ou University of Melbourne,19 aller chercher en Asie et au Moyen Orient des financements via des antennes locales en nom propre, pour pallier l’insuffisance des crédits de la National Science Foundation (NSF), du Department of Energy (DOE) ou de la NASA interpelle. Il y a un risque que la France et l’Europe n’échappent pas à ce phénomène. Des Écoles d’ingénieurs axées sur la conception et les enjeux industriels dans la compétition internationale sont un élément essentiel du pouvoir d’influence - soft power - français et européen. Leur financement public est un enjeu stratégique à long terme. I-1.2 La taille critique des établissements et des infrastructures Il faut se poser la question de savoir si les Écoles d’ingénieurs, avec :  un taux faible d’enseignants permanents - en général et en moyenne 1 permanent pour 30 étudiants -,  un nombre souvent mal connu mais toujours élevé d’enseignants vacataires,  et en fin de cursus plutôt peu de diplômés, ont la taille critique au plan international dans leurs domaines, et plus globalement en High Tech. Si nos Écoles d’ingénieurs continuent à former des promotions de 200 à 300 élèves, elles ne rivaliseront jamais avec les établissements américains, et bientôt indiens et chinois. Il nous faut nous préparer et réaliser une révolution majeure en la matière. Les quelques rapprochements d’Écoles - par exemple la création de l’ISAE - vont dans le bon sens, mais la principale difficulté à vaincre est liée au fort désir d’autonomie de nos Écoles, et à leur ancienneté qui a naturellement développé un fort esprit de corps. Les différentes tutelles compliquent souvent cette problématique. Une bonne initiative serait de créer des institutions de taille significative, comparables aux leaders que sont par exemple les trois premières Universités américaines en engineering :  MIT : environ 10 000 étudiants dont 4 000 under graduates et 6 000 graduates, avec 1 700 enseignants,  Stanford : 15 200 étudiants dont 6,800 undergraduates et 8,400 graduates, avec 1,475 enseignants  Berkeley : 35 800 étudiants dont 25 500 undergraduates et 10 300 graduates, avec 2 130 enseignants. Tous ces étudiants ne sont pas ingénieurs, mais ces exemples illustrent l’ordre de grandeur de taille critique à atteindre. Étant donné que la France forme environ 30 000 ingénieurs par an 9 , cela revient à dire que la France doit concentrer son dispositif sur au maximum 6 pôles de formation d’ingénieurs délivrant chacun environ 5000 diplômes par an. 20 Si on se limite aux seuls aspects internationaux d’une École d’ingénieurs française, la nécessité d’une taille critique suffisante impose en particulier une expansion à l’étranger par la création de sites physiques, pour capter à l’étranger des étudiants étrangers résidents, ou accueillis en France, et pour y consolider ainsi le marquage global (global branding). À ce thème s’ajoute celui de la mise en place d’infrastructures unifiées d’enseignement par la recherche, même si existent déjà des moyens fédérés localement ou implantés dans les pôles d’excellence.21 L’idée est de constituer un front uni des Écoles, en vue d’un marquage global avec l’aide de cabinets spécialisés. I-1.4 L’appréciation des diplômes par les recruteurs à l'international Hors de France, et indépendamment des éléments de carrière spécifiques à chaque candidat, force est de constater qu’un diplôme d’ingénieur d’une École française pèse moins qu’un Master, et parfois même qu’un Bachelor de bien des Universités internationales. Sauf erreur, on ne voit que très peu défiler dans les Écoles situées en province les cabinets et les DRH, alors qu’ils visitent volontiers tel ou tel campus parisien, nord-américain ou asiatique. Il n’est pas certain que les intitulés de diplômes et la sélectivité des admissions soient toujours lisibles : à la base un problème de calibration. Seules quelques Écoles offrent de rares formations - hors PhD - donnant lieu à comptabilisation en volume par les points ECTS 10 normés en Europe. A l’exception de l'École Polytechnique et l’E.N.S., très souvent les élèves étrangers ne retirent de leur passage dans I-1.3 Le marquage international et la visibilité dans les médias Certes une histoire et une réputation nationales ne se transposent pas aisément à l’international, mais la plupart des Écoles d’ingénieurs et leurs personnels ne sont pas exposés à l’international. Cette action ne peut être gérée que par des professionnels de la communication pour cibler les mé- dias d’engineering et de high-tech globaux qui créeront une image d’excellence scientifique et technique. RENFORCER LA DIMENSION INTERNATIONALEune École française qu’un label expérience de la France qu’il s’impose de dépasser. Pour ce qui est des enseignants, le recrutement à l’étranger de professeurs pour les Écoles d’ingénieurs est rare, ce que pratiquent systématiquement par exemple les Écoles polytechniques de Zürich et de Lausanne, l’Université de Linköping, les Universités anglaises et parfois certaines Universités allemandes comme Aachen et München. De même, l’idée d’enrichir le savoir-faire des enseignants par des périodes d’immersion dans une Université étrangère n’est pas courant. 22 Il est urgent d’utiliser des cabinets de recrutement internationaux pour approcher des enseignants de grande notoriété, et par ailleurs les intéresser à nos meilleurs jeunes diplômés. I-1.5 L’importance de la multidisciplinarité et de l'innovation dans chaque discipline Dans la compétition internationale, les facteurs discriminants en terme d’objectifs de succès sont souvent liés à l’approche systémique tant au niveau conception qu’utilisation. En même temps, cette compétition impose de dépasser les clivages entre disciplines pour les développements scientifiques de base et l’innovation souvent issus des PME. Nos Écoles françaises alliant la compétence dans un secteur et une vue systémique peuvent exploiter ce que l'Université française ne prend pas bien en compte : la valeur ajoutée de l’approche systèmes. L’intégration dans les cursus de formation initiale, et au-delà en formation continue, de la capacité à l’innovation scientifique et de l’approche systémique apporterait aux diplômes un avantage compétitif en termes de conception des systèmes. I-1.6 Les accréditations et les classements internationaux Dans le contexte de la compétition entre institutions et 23 Il appartient à chaque École d’ingénieurs de piloter avec ses partenaires internationaux, chaque fois que possible, la mise en place d’un système d’accréditations et d’y faire passer des idées avantageuses pour les classements dans son secteur d’influence principal. I-1.7 L’animation des réseaux internationaux La mise en réseau d’une École au niveau de ses pairs est une nécessité admise. La question porte sur le rôle du risque d’éparpillement, du rôle des établissements français dans l’animation de ces réseaux et, par conséquent, de l’influence effective induite. Facteur aggravant, les classifications françaises des actions à l’international, comme celles de Challenges 12 pour les Écoles de commerce ou de l’Express pour les Écoles d’ingénieurs 13 et de commerce 14 , ne mesurent que des paramètres liés à l’image et non à l’influence. Sont à ce titre mesurées les variables suivantes :  part d’échanges accrédités : proportion des accords pédagogies d’enseignement par la recherche, la mesure est une tendance lourde. Elle affectera tôt ou tard les Écoles d’ingénieurs, comme elle affecte déjà les Écoles de commerce et l’Université, notamment via l’Agence française d’é- valuation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) et ses outils bibliométriques 11 . Mais c’est aussi un outil de suprématie exploité actuellement quasi-exclusivement par certains modèles anglo-saxons, souvent à leur seul avantage, en particulier en matière d'accréditations et de classement des business schools. RENFORCER LA DIMENSION INTERNATIONALE24 d’échanges à l’étranger avec des institutions accréditées  part des départs lointains : proportion d’élèves partis dans le cadre d’un échange sur un autre continent sur l’ensemble des départs  part des professeurs étrangers en % du corps professoral permanent en France  part d’étudiants étrangers diplômés, doubles diplômes compris  part des Français titulaires d’un double diplôme (master ou diplôme d’ingénieur étrangers)  bourses d’excellence Eiffel délivrées par le Ministère des Affaires étrangères à des élèves étrangers  label Erasmus Mundus délivré par la Communauté européenne. Or les accords d’échange ne sont-ils pas l’aveu même de la faiblesse de nos Écoles au niveau international ou, au moins, de leur faible reconnaissance ? Il n’y a par exemple pas d’échanges formalisés sur la durée avec les Top-20 en engineering du classement de Shanghai. Il n’y a pas non plus de suivi des admissions d’élèves ingénieurs français dans ces Écoles étrangères : une estimation indique que ces admissions ont chuté depuis les années 1970-1980 où les échanges étaient déjà peu courants. Nous constatons aussi l’absence de visibilité à l’international des associations des anciens d’Écoles d’ingénieurs. En comparaison, les associations professionnelles internationales d’ingénieurs (IEEE, ACM, ASME, SME, etc.) ou les associations d’anciens de business schools françaises et européennes telles que HEC, IMD, INSEAD, LSE, etc. sont bien présentes. Souvent même les associations en France d’anciens d’universités américaines titulaires d’un second diplôme sont plus valorisantes en termes de carrière et efficaces en matière de contacts que les associations de la Grande Ecole française d’origine.25 I-1.8 La capacité des ingénieurs à gérer des hommes à l’international Tout diplômé d’une École doit aujourd’hui être capable de s’intégrer dans des équipes internationales mais aussi de piloter et constituer ces équipes. Ceci implique non seulement la maîtrise du savoir-faire incontournable, mais l’ouverture sur la diversité des valeurs sociales et culturelles. Un minimum de connaissance en géopolitique 15 est également recommandé. Pour être prêts, les étudiants doivent être mis en situation et extraits du cadre national unique de leur formation. I.2 Points fort des Écoles d'ingénieurs à l'international Avec du recul, les points forts de nos Écoles à ne point sacrifier sont :  une culture technique et scientifique générale, la plupart du temps issue d’un domaine spécifique à chaque École mais transposable à d’autres domaines  une formation axée sur la conception et l’architecture de systèmes, incluant la gestion de projet associée  des formations spécifiques très spécialisées  une pédagogie avec de forts éléments expérimentaux type learning by doing  une participation importante, fortement interactive, d’intervenants extérieurs aux compétences diversifiées, industriels expérimentés, prolongée par des stages (y compris stage ouvrier)  des supports de cours s’appuyant sur l’expérience de l’industrie et des administrations, évolutifs et à jour, Il est urgent de construire en commun un vecteur européen d’influence à l’international. RENFORCER LA DIMENSION INTERNATIONALE26 évitant le retard de phase important des livres académiques (même si certains professeurs ne font jamais de mises à jour)  des formations linguistiques obligatoires - deux langues étrangères - et interculturelles, prévoyant une immersion en milieu étranger  et, last but not least, des cursus pouvant mener à tout plutôt que la segmentation verticale figée du modèle anglo-saxon. Des risques d’érosion existent cependant, notamment dans l’équilibre et les rôles des enseignants permanents, dûs à une dépendance trop importante du milieu local - Palaiseau, Toulouse, Nancy, etc. De plus, certains cursus ne prévoient pas le temps nécessaire à l’expérimentation découverte. Il est en particulier essentiel de redévelopper le learning by doing qui s'est partiellement évaporé du fait des embauches de permanents à profils universitaires, ou même lors des déménagements d’Écoles. Cette pédagogie est en effet autrement plus motivante et performante que le learning to know, développe la créativité et incite à la création d’entreprises. Enfin, il faut inciter les personnels à réfléchir, échanger, s’impliquer socialement, prendre des initiatives. Il convient de les protéger contre l’impression de déclassement social souvent ressentie dans les universités ou au CNRS, et exorciser la terreur des métriques individuelles pratiquées par les business schools. La liste de points forts ci-dessus n’inclut pas les points suivants devenus standards pour tout établissement d’enseignement supérieur :  les accords entre Écoles,  les accords de doubles diplômes et de diplômes conjoints,  les stages à l’étranger, obligatoires ou non, 27  les années d’études à l’étranger par détachement et reconnaissance de validité des modules,  les bourses Erasmus, Marie-Curie, Fullbright, Goethe, Eiffel,  le service civil à l’international,  les recherches conjointes et actions d’accompagnement destinées aux entreprises. De même, n’est pas incluse dans la liste de points forts la participation à des réseaux tels FENIX ou Top Industrial Managers (TIME), qui en vingt ans a permis 250 accords de doubles diplômes souvent onéreux entre 55 membres dans 21 pays. En effet, ces mesures sont la norme aujourd’hui, et les soutiens à la collaboration intra-européenne ou transatlantique les ont favorisées par intérêt réciproque. Il s’agit maintenant de dépasser ce régime pour en retirer avantage pour les Écoles et leurs écosystèmes industriels. Il faut aussi mentionner un défaut collectif bien connu des établissements supérieurs européens, à savoir le manque d’efficacité en termes d’innovation et de symbiose avec le monde économique, comparés notamment avec les concurrents nord-américains et japonais 16 . I.3 Manque de visibilité et d'actions collectives à l'international des Écoles d'ingénieurs françaises Il faut constater qu’hormis le marquage collectif déjà ancien des Écoles des Mines, et ceux plus récent de Paris-Tech, Polytech, Alsace-tech, et d’ESCP Europe - avec ses 5 diplômes nationaux -, les Écoles françaises ont chacune leur gouvernance spécifique et opèrent à l’étranger en ordre dispersé sous des marques à la notoriété sous-critique. De l’étranger on ne voit d’autres synergies parmi les Écoles RENFORCER LA DIMENSION INTERNATIONALE28 que celles des groupements et fusions, mais pas de mobilité des enseignants permanents, peu de partages des moyens expérimentaux, et pour les étudiants très rarement des acquis de cours dans d’autres Écoles françaises que celles de rattachement en France. Quand un étudiant brillant à l’étranger envisage de venir dans une École d’ingénieurs en France, il n’a pas de point d’appui unique et connu clairement identifié, et les procé- dures de concours, d’admission et de bourses sont hétérogènes. Les Attachés culturels et scientifiques français sur place ne connaissent en général que les pratiques de leurs propres Universités d’origine et rarement celles des Grandes Écoles. En pratique le meilleur conseil est souvent obtenu auprès d’industriels français sur place ou des Lycées français qui font un travail extraordinaire. Un exemple : l’information auprès des candidats étrangers du site de la Conférence des Grandes Écoles n’est qu’en français 17 et n’est pas un portail pour orienter et aider les étudiants candidats ou les diplômés étrangers. Le seul site en anglais - hors celui de Paris-Tech - dédié aux études d’ingénieur en France, n+i.com18 oriente non pas vers les principales Écoles mais quasi-exclusivement vers les Écoles d’ingénieurs ou techniciens affiliées à des Universités ou Chambres de commerce. Pour qu’une firme étrangère puisse comprendre le système de recrutement des Écoles et leurs méthodes de formation, il lui faut lire une profusion de notes parcellaires souvent écrites par des établissements étrangers, des particuliers 19 ou des ambassades. Pour qu’un gouvernement étranger ou une firme puisse trouver un classement où figure une École d’ingénieurs française, inutile de se fatiguer car aucune École française29 ne figure dans les 100 premiers du classement dit de Shanghai pour l’ingénierie ou Academic Ranking of World Universities in Engineering/Technology and Computer Sciences - 2009 ! Dans le Top-100 toutes catégories de Shanghai ne figure que Normale Sup à la 70 ème place, et Polytechnique n’est même pas dans les 200 premières. Il existe pourtant des moyens simples pour mettre en commun celles des informations mettant en évidence le potentiel collectif de plusieurs Écoles. Les initiatives collectives à l’international sont rares. Il faut mentionner ici les discussions de la Conférence des directeurs des Écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) en vue d’un Indian Institute of Technology au Rajasthan ou de l’ISAE avec des partenaires en Chine. I.4 Stratégie et moyens : nos propositions Les cinq actions prioritaires recommandées sont : Proposition 1 - Créer des sites sous label propre en pays étranger Créer en pays étranger, avec co-financement local, sous label des Écoles, des sites adaptés au pays hôte, démultipliant ainsi leur action et accroissant leur taille globale effective. En d'autres termes, de passer de l'École-PME à l'École-Multinationale. Proposition 2 - Impliquer les communautés scientifiques et industrielles internationales dans les Écoles d’ingénieurs Intégrer organiquement nos Écoles dans les diverses communautés scientifiques et industrielles internationales et, si besoin, en organiser de nouvelles autour d'elles. RENFORCER LA DIMENSION INTERNATIONALE30 Proposition 3 - Définir un niveau minimal exigible de compétence à l'international et en vérifier l'obtention Définir un niveau minimal de compétence en matière de savoir-faire international pour les ingénieurs diplômés et aussi, nécessairement, pour les dirigeants et enseignants de nos Écoles, et les moyens d’en vérifier l’atteinte. Proposition 4 - Rendre les Écoles visibles sur les réseaux de communication mondiaux Franchir le seuil de la seule visibilité nationale pour parler et faire parler de chacune de nos Écoles un peu partout dans le monde en utilisant tous les canaux de communication existants. Proposition 5 - Développer l'attractivité de nos Écoles pour les étudiants étrangers Apprendre à considérer les étudiants étrangers, à la fois par leur présence, comme un moyen convivial pour ouvrir à l’international les étudiants français, et par leur passage, comme des relais potentiels des savoir-faire français au sein de leurs propres écosystèmes économiques et sociaux. Ces cinq propositions sont détaillées dans le chapitre IV.31 DÉVELOPPER L’INNOVATION ET L’ENTREPRENEURIAT Pourquoi les ingénieurs ont-ils peu à peu délaissé l’innovation pour les démarches applicatives ? Comment les aider non seulement à ne pas perdre leurs capacités inventives, mais encore à les développer systématiquement ? Pourquoi les ingénieurs sont-ils devenus moins nombreux à se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat, lieu d'éclosion de l'innovation ? Quelles sont leurs inhibitions, leurs peurs ? Comment faire comprendre les attraits ? Comment donner dès l’École les éléments de formation requis pour être capable de résoudre les problèmes - réels - posés à l’entrepreneur ? Comment susciter les vocations et faciliter leur épanouissement ? Quelle serait la contribution d’un accroissement du nombre de création ou de reprises réussies à la richesse de notre tissu industriel ? Dans ce chapitre, nous abordons les thèmes suivants : II-1- L’ingénieur et l’innovation II-2- Les craintes et attraits de l’entrepreneuriat II-3- La Connaissance des réalités de l’aventure entrepreneuriale avant de faire 3 propositions stratégiques d’amélioration pour développer chez les ingénieurs le goût de l'entrepreneuriat. - II -II.1 L’ingénieur et l’innovation II-1.1 Ingénieur et innovation, une relation complexe L’évolution des métiers, la médiatisation et la valorisation de fonctions de chefs de projet dans des entreprises devenant de plus en plus des systémiers au détriment des métiers d’ingénieurs de développement ont renforcé le désintérêt que l’on peut constater depuis plusieurs années pour les postes de R&D. De plus , en entreprise, le syndrome NIH - Non Invented Here - est combattu par les contrôleurs de gestion et la direction générale ; on les invite à ne pas réinventer la roue, à produire plus avec autant, voire moins de moyens, et à se tourner vers l’extérieur pour acquérir des connaissances ou apprendre des technologies. Il est important pour notre tissu industriel que la France garde sa capacité à innover qui sera le gage de son indépendance et de stopper la recherche systématique du meilleur coût qui amène trop souvent à l’externalisation de la R&D. Ainsi il faut motiver une partie de nos futurs ingénieurs à développer leur carrière dans des métiers techniques en leur offrant un écosystème (grands groupes, PME, labos) qui leur permette de s’épanouir. L’innovation ouverte (open innovation) qui commence réellement à se mettre en place dans les grandes entreprises ainsi que les programmes de financement associés telle que « Passerelle » qui subventionne des projets portés à la fois par un grand goupe et une PME doivent créer une dynamique autour des métiers techniques de l’ingénieur. Il s'agit aussi de faire comprendre à l'ingénieur en formation que l'innovation, et par conséquence l'invention qui en constitue le noyau, n'est pas du domaine réservé de la Recherche. Nos étudiants doivent pouvoir appréhender toutes les formes d’innovation (invention brevetable, innovation de process, d’usage …) et les intégrer comme autant de formes pour exprimer leur capacités créatrices qui doivent être stimulées, orientées, libérées pendant leurs études. Le thème des relations entre ingénieurs et chercheurs est 32abordé plus explicitement au chapitre III. Toutefois ces remarques ont plutôt leur place ici, dans la mesure où leur contenu consiste à inciter les chercheurs à penser plus loin que la découverte de nouveaux principes, produits ou procédés : comment vendre l'idée de s'en servir ? II.2 Craintes et attraits de l’entrepreunariat II-2.1 La vocation de créer ou reprendre une entreprise et la capacité à saisir une opportunité Le salarié d’une entreprise a certes pour vocation de donner le meilleur de lui-même pour remplir sa mission et ainsi servir les intérêts de son entreprise. Mais il n’a pas toujours choisi lui-même la totalité de la définition de la mission qui lui a été confiée. Elle peut ne pas lui permettre d’exprimer toutes ses capacités et tout son potentiel. À l’opposé, quelles que soient ses motivations - désir d’é- panouissement personnel, possibilité de réaliser un projet dans son espace de liberté, souhait d’indépendance, de goût du pouvoir, recherche d’enrichissement - l’entrepreneur ne peut être qu’animé d’une détermination sans faille. Une fois sa décision prise de saisir l'opportunité de se lancer dans l’aventure de reprendre ou de créer une entreprise, il mobilise toute son énergie pour réussir son projet. II-2.2 La vocation d’entreprendre comme facteur de compétitivité économique Permettre à des cadres de réaliser leur volonté d’entreprendre en satisfaisant leur désir d’être patron de leur entreprise, donc en les mettant dans les conditions leur permettant de réussir, c’est libérer dans la société des forces considérables. Elles sont génératrices de création d’emplois et source de dynamisme pour notre économie et la vie sociale de notre pays. II-2.3 La capacité de l’ingénieur à être entrepreneur 33 DÉVELOPPER L’INNOVATION ET L’ENTREPRENEURIATL’ingénieur a une légitimité particulière à vouloir créer et/ou s’approprier son entreprise, notamment si sa raison d'être est de nature technique ou technologique. Sa formation lui donne des atouts spécifiques : un solide bagage scientifique, des connaissances techniques, la rigueur, le sens du concret et surtout la capacité à appréhender et à maîtriser des situations nouvelles en apportant une solution concrète à des problèmes complexes. Ces caractéristiques sont pour lui des facteurs de succès pour affronter les aléas du lancement d’une activité nouvelle ou de la reprise sur de nouvelles bases d’une activité existante. Pour autant son cursus académique devra intégrer les bases financières et administratives indispensables et le sensibiliser à la notion de client ou de marché. Au-delà de sa vision d’expert technique, il aura également à acquérir la capacité à définir une stratégie et avoir une vision globale de l’entreprise. II-2.4 L’entrepreneuriat comme nouvelle idée de carrière L’idée de créer sa propre entreprise n'est pas récente dans l’esprit des ingénieurs. De grands pionniers de l’industrie ont souvent démarré leur activité par eux-mêmes avec des moyens limités, mûs par leur foi dans le devenir de leur invention et leur technique : citons, par exemple Louis Blériot, Louis Renault, les frères Peugeot, Marcel Dassault … Cependant, l’industrie au sens traditionnel du terme, c’est- à-dire la fabrication de biens matériels, est maintenant perçue comme le fait de grandes entreprises, dotées de centres de recherche et d’usines avec de gros moyens humains et matériels et mobilisant des investissements considérables. Deux oublis de taille :  d'une part ces grandes entreprises âgées ont commencé petites,  d'autre part émergent régulièrement des grandes entreprises jeunes qui elles aussi ont démarré petites, 34obscures, méconnues notamment dans les nouvelles technologies… Certains grands groupes ont tendance à réduire leurs ressources propres de R&D et à s’appuyer sur l’innovation venant des PME ou des laboratoires de recherche. Les pôles de compétitivité se fondent largement sur ce principe puisque les projets financés peuvent venir aussi bien de l’initiative de grands groupes que de PME. Pour être labélisés, ils doivent systématiquement être collaboratifs, c’est-à-dire faire travailler ensemble grands groupes, PME, labos ou Universités. L’émergence de l’industrie des services, dans l’informatique notamment, change cette vision. La création d’entreprises développant des technologies nouvelles par des jeunes étudiants au fond de leur garage 20 a alimenté des légendes célèbres. Même si elles ne correspondent pas toujours à la réalité, de telles légendes largement reprises dans les médias suscitent clairement le rêve de jeunes ingénieurs qui découvrent au cours de leurs études de nouveaux domaines techniques qui les passionnent intellectuellement et dont ils perçoivent le potentiel d’application. Avec l’enthousiasme de la jeunesse, ils se disent « pourquoi pas moi ? ». Il importe de canaliser cette énergie créatrice pour qu’elle s’épanouisse efficacement. Les jeunes ingénieurs doivent être avertis des conditions à remplir, des précautions à prendre. Il faut leur donner tous les éléments d’appréciation leur permettant de prendre leur décision en pleine connaissance de cause. Ceci permettra de susciter des vocations et d’éviter des échecs et des déceptions. C’est tout à fait récemment que les Écoles d’ingénieurs, en retard en cela par rapport aux Écoles de commerce, ont inscrit dans leur programme d’enseignement des modules de reprise ou de création d’entreprise. Pour ne pas rater une 35 DÉVELOPPER L’INNOVATION ET L’ENTREPRENEURIATchance de développement de notre pays, il importe de continuer à combler ce retard. L’entrepreneuriat peut intéresser un ingénieur à tous les stades de sa carrière, selon les circonstances de sa vie professionnelle. En particulier, les cadres expérimentés peuvent voir dans la création ou la reprise d’une entreprise une opportunité de capitaliser sur leur expérience, la maîtrise d’un domaine, la connaissance d’un marché et même sur des premiers clients potentiels prêts à les accompagner. II.3 Connaissance des réalités de l’aventure entrepreneuriale II-3.1 La promotion du métier d’entrepreneur Les médias, les colloques parlent abondamment du métier d’entrepreneur, un sujet dans l’air du temps. Les success stories font rêver certains. La réalité derrière cette agitation médiatique est moins simple. En effet, ce vocable désigne une très grande diversité de situations. De nombreuses publications - articles de presse, livres - et de nombreux colloques présentent de façon claire et pertinente les conditions de succès de la reprise ou de la création d’une entreprise, la méthodologie à suivre et les précautions à prendre avant de se lancer dans une telle aventure. Les étapes formelles en sont connues et bien décrites, telles que par exemple :  formalisation du projet  étude du marché  plan de financement  rédaction d’un dossier de business plan  analyse critique du projet par un comité d’experts  mise en place des moyens, en particulier financiers  lancement du projet. Il importe de ne pas oublier les bouclages, interférences et itérations qui font de ce processus, dans sa nécessaire réalité opératoire, un système plus complexe que ne l’est la simple énumération de ces têtes de chapitre. 36Il est également utile d’attirer l’attention des candidats à la direction d’entreprise sur l’importance de bien savoir s’entourer. Qu’il soit créateur ou repreneur, le nouveau chef d’entreprise doit savoir s’entourer en constituant une équipe qui complétera ses compétences. Dans le cas d’une reprise, il sera particulièrement vigilant dans l’évaluation de l’équipe existante afin de détecter ceux qui seront capables de l’accompagner dans son aventure. Il devra en outre assumer le rôle du décisionnaire final car les exemples de gouvernance partagée réussie demeure une configuration très exceptionnelle. Si les aspects marketing, financier, technique d’un tel projet sont largement commentés dans les médias, l’aspect humain est souvent sous-estimé, voire négligé. Il est pourtant essentiel de rappeler que la reprise ou la création d’une entreprise est avant tout une aventure humaine. Le futur entrepreneur, pour progresser avec succès dans son projet, doit savoir convaincre, par son implication, son sérieux, son sens des responsabilités, sa compétence et son honnêteté, tous ses partenaires, ses bailleurs de fonds, l’équipe des personnes qui l’accompagnent, ses collaborateurs, ses clients. Les décideurs des sociétés de capital-risque le savent bien, pour lesquels le profil humain de l’entrepreneur est fondamental et conditionne avant tout autre critère leur décision de le financer. II-3.2 L’aide à ceux qui osent entreprendre Les medias font plus souvent état des réussites que des échecs et il peut en résulter une euphorie trompeuse. Il convient donc que les candidats à l’entrepreneuriat, tout en demeurant enthousiastes pour leur projet, s’assurent d’être bien armés pour réussir. Leur motivation ne doit pas obérer leur lucidité quant aux précautions à prendre. Aussi, il est prudent pour un candidat à l’entrepreneuriat de prendre conseil auprès de personnes d’expérience et d’organisations professionnelles pour bénéficier de leur 37 DÉVELOPPER L’INNOVATION ET L’ENTREPRENEURIATobjectivité, de leur compétence et de leur désintéressement. Les structures publiques et les associations De nombreuses structures ont été créées pour répondre à ce besoin : les organismes publics tels que Chambres de Commerce, les Associations qui apportent leur concours dans un contexte amical privilégié. Leur rôle est essentiel. Leur action est d’une grande efficacité, d’abord pour aider le candidat à prendre la décision la plus judicieuse pour lui de lancer son projet ou d’y renoncer, ensuite pour l’accompagner dans toutes les phases du projet. Ces structures, malgré leur efficacité, sont encore en nombre insuffisant et leurs moyens sont limités. Il serait utile de les renforcer. Certaines Écoles d’ingénieurs, dans le cursus académique et dans le cadre de leur association d’anciens élèves, animent pratiquement toutes des structures spécialisées d’aide aux candidats entrepreneurs. Des associations d’anciens élèves d’Écoles d’ingénieurs se sont regroupées pour mettre en commun leurs moyens dans ce domaine. Citons XMP Entrepreneur qui regroupe l’École Polytechnique, les Ponts, les Mines et Supaero. Cette association, formée exclusivement de bénévoles, est particulièrement active et offre des services d’aide à la création et à la reprise d’une entreprise. Elle anime une réunion mensuelle où les anciens de ces Écoles intéressés par ces sujets peuvent d’abord entendre des présentations - témoignages d’expérience de création ou de reprise d’une entreprise ou exposés à vocation pédagogique -, puis ensuite se rencontrer et échanger. Ce type de structure est à faire connaître et à promouvoir : le candidat à l’entrepreneuriat doit être vivement incité à y faire appel pour se faire conseiller et guider tout au long de son projet. Les chefs d’entreprise : stimulateurs d’innovation 38Il est important que des chefs d’entreprises innovantes puissent s’impliquer et accompagner les étudiants dans le cursus que ce soit par la proposition de stages soit des sujets d’études ou tout simplement en leur faisant partager leurs expériences complétant ainsi de manière très pratique la formation académique. Ils pourront ainsi susciter l’envie de rejoindre le monde des PME où se trouve maintenant la plus grande partie de l’innovation en France. Des associations telles que le Comité Richelieu qui représente les PME innovantes en France seraient prêtes à jouer un rôle dans ce sens. De même, des grands groupes pourraient aussi stimuler l’innovation dans les Écoles en mettant à disposition des étudiants des moyens techniques et/ou en les hébergeant en leur sein dans le cadre de leurs projets. Des rapprochements avec les pôles de compétitivité doivent être étudiés afin de tirer parti de la variété de leurs membres (grands groupes, PME, labos) et être un stimulateur de l’innovation. II-3.3 L’alternative « créer ou reprendre » Il existe deux façons de devenir entrepreneur : la création ou la reprise d’entreprise 21 . Si la motivation, le désir de se réaliser, l’acceptation des risques liés à une telle aventure sont les mêmes, il existe des différences entre les deux voies pour devenir entrepreneur. Alors que le créateur doit lancer son activité à partir de rien, le repreneur trouve dans l’entreprise qu’il reprend une structure, des moyens, un fonds de commerce, une dynamique déjà engagée, même si ces derniers sont imparfaits et demandent à être revus et souvent à être remis en cause. Alors que le créateur a, du fait de la relative lenteur de l’expansion de des effectifs, le temps de perfectionner son management, le repreneur doit être en ce domaine immé- diatement opérationnel. 39 DÉVELOPPER L’INNOVATION ET L’ENTREPRENEURIATLe créateur… Le créateur n’a a priori aucune contrainte historique. Il peut donc :  définir son organisation, son implantation, la forme juridique, etc.  réfléchir aux critères de construction d’une équipe - rappel : sauf dans des cas exceptionnels, la création d’entreprise est un acte qui implique des ressources en savoir-faire complémentaires de celles du fondateur… -  mettre en place les moyens les mieux adaptés que possible à la stratégie qu’il entend mener. Le repreneur… Le repreneur doit prendre en compte la situation actuelle et passée de l’entreprise qu’il reprend et intégrer toutes les caractéristiques propres au moment de la reprise : équipes, moyens, clientèle, image… Ce diagnostic implique des qualités particulières d’analyse, d’écoute, d’ouverture d’esprit, de créativité, de rigueur, de gestionnaire. Il y a aujourd’hui un marché très actif dans ce domaine qui peut se présenter essentiellement dans deux occasions :  la transmission d’entreprise dans le cadre du départ à la retraite du dirigeant  la cession totale ou partielle des parts d’une société par l’actionnaire principal : fonds d’investissement, investisseurs institutionnels, grands groupes. Dans le cas particulier de la reprise d’une société en difficulté (retournement), qui est un vrai métier et qui demande une certaine expérience, la phase de diagnostic est cruciale et requiert des compétences externes particulièrement pointues. Cette forme d’accession à l’entrepreneuriat demande un financement plus important que la création et, de ce fait, concernera des cadres expérimentés et non des jeunes 40diplômés dès la sortie de l’École. En outre, la mise de fonds est d’autant plus élevée que l’entreprise visée est en bonne santé et dégage des résultats. Le recours à des fonds d’investissements ou à des banques devient alors indispensable. Il est plus facile de convaincre ces bailleurs de fonds lorsque l’on a déjà une expérience éprouvée du management et de la direction d’entreprise. La sensibilisation à ce type de projet devrait faire partie du cursus académique. Les jeunes ingénieurs seraient ainsi pré- parés à saisir plus tard cette éventualité. Ils pourraient orienter le choix de leur stage 22 et de leur premier emploi, afin d’acquérir les premiers éléments de l’expérience qui contribuera à leur donner de la légitimité et leur permettra de maîtriser les principales techniques de financement telles que LBO/MBO et LBO/MBI. Cela peut résulter d’un renforcement des liens, débouchant sur des actions communes sur le thème du métier d’entrepreneur, entre les associations d’anciens, les organisations professionnelles et les établissements d’enseignement supérieur, en particulier les grandes Écoles. 41 II.4 Stratégie et moyens : nos propositions Proposition 6 - Préparer et motiver les ingénieurs à oser et savoir développer une innovation Susciter chez les ingénieurs le goût pour l'innovation et sa mise en œuvre :  en faisant participer les élèves à des projets multidisciplinaires en collaboration avec d’autres entités : Écoles, entreprises innovantes, pôles de compétitivité, laboratoires de recherche DÉVELOPPER L’INNOVATION ET L’ENTREPRENEURIAT42  en organisant des échanges avec des entreprises sur le thème de l’innovation : visites, présentation de réalisations, de thèmes de recherche. (journées R&T, roadmaps technologiques…)  en incitant les grandes entreprises à mettre leurs moyens techniques à la disposition des étudiants  en formant les étudiants à la propriété intellectuelle et à la stratégie de dépôt de brevet. Proposition 7 - Préparer les ingénieurs à la création ou la reprise d’entreprise Développer la capacité à étudier et décider une création ou une reprise d'entreprise en leur donnant des idées claires sur les conditions à remplir pour réussir :  en insérant dans les programmes un module spécifique entrepreneuriat dont le contenu à la fois académique et pratique permettra aux élèves de mettre en œuvre leur projet dans les meilleures conditions  en stimulant les associations d'anciens élèves à constituer des club d'adhérents réunis autour de cette activité et en intégrant les associations d’entreprises innovantes dans la démarche générale. Proposition 8 - Rendre plus attractives les carrières en PME, et plus particulièrement dans les PME innovantes Aider les jeunes diplômés à faire un choix plus lucide, en montrant les avantages et les inconvénients respectifs d’un début de carrière dans une grande entreprise et dans une PME, en organisant des rencontres et forums avec des dirigeants de PME et en impliquant ces derniers dans le cursus académique des Écoles d’ingénieurs. Ces trois propositions sont détaillées au Chapitre IV.43 ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIER Pourquoi recherche publique et monde industriel ont-ils tant de difficultés à cohabiter et ne faut-il pas passer de la cohabitation à la synergie ? Comment sont définies les thématiques de recherche, par qui, dans quelles perspectives ? Les méthodes de travail de la recherche sont-elles à rénover ? Quelle est l'image de ce métier auprès des jeunes ? Quelle est sa contribution à la solidité de notre tissu industriel ? Comment les ingénieurs assument-ils, le cas échéant, leurs responsabilités managériales ? Quel rôle spécifique notre société veut-elle leur voir jouer en son sein ? Ce chapitre traite successivement des aspects : III-1- Ingénieur et chercheur : les constats, le contexte et les enjeux III-2- L'image du métier d'ingénieur auprès des jeunes et du corps social III-3- La capacité managériale de l'ingénieur avant d’évoquer 4 propositions stratégiques d’amélioration pour accompagner la métamorphose du métier. - III -44 III.1 Ingénieur et chercheur III-1.1 Les constats L’ingénieur et le chercheur, acteurs du progrès Le progrès économique et social est dans une large mesure fondé sur l’innovation. L’innovation (produits, services, méthodes de production, modèles économiques…) est souvent l’apanage des entreprises, et portée par des équipes pluridisciplinaires dans lesquelles les ingénieurs jouent des rôles clés. La production de connaissance revenant quant à elle aux chercheurs. On pourrait alors être tenté de conclure que chercheurs et ingénieurs font partie du même écosystème, que les uns ne sont rien sans les autres, que tout les rapproche, qu’un intérêt mutuel les rassemble… et clore le débat. La situation n’est malheureusement pas si simple, surtout en France. Des évolutions professionnelles et personnelles divergentes Imaginez le cas suivant : 1990 : deux camarades de classe en terminale scientifique.  l’un fait une classe préparatoire, intègre une École d’ingénieurs et embrasse une carrière dans une grande entreprise.  l’autre va à l’Université, fait un doctorat et un postdoc, et devient chercheur dans un Établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST). 2010 : à l’occasion d’une réunion de lancement d’un grand projet de recherche collaborative associant la grande entreprise et l’EPST, nos deux amis, qui s’étaient perdus de vue, se retrouvent.  l’ingénieur, habillé d’un costume, cravaté, parle de Gantt, de time to market, de valeur perçue, de coût derevient, de brevets, de la bonne utilisation de l’argent public par les chercheurs…  Le chercheur, en pullover et jeans, parle de publications, d’indice d’impact, de point H, d’évaluation entre pairs, de la liberté de chercher… Que s’est-il passé en 20 ans ? Fondamentalement, rien ne s’oppose à ce qu’un ingénieur de formation mène une carrière de chercheur, et qu’il réussisse : méthodes de travail acquises lors de la formation, ouverture d’esprit, capacité de travail sont autant de qualités indispensables pour être chercheur, et que l’ingénieur possède a priori. Inversement, si de nombreuses entreprises françaises ne font pas de différence a priori entre un docteur et un ingénieur dans leurs stratégies de recrutement et dans les missions confiées, le docteur ne bénéficie de la reconnaissance d’aucun statut particulier, à la différence des pays anglo-saxons notamment. En revanche, la plupart des entreprises expriment des réserves quant à l’utilité d’une expérience postdoctorale : une succession de contrats postdoctoraux peut être interprétée comme une fuite en avant et inspirer la méfiance. La Recherche publique et l’entreprise, mondes à réconcilier Au-delà de l’anecdote de nos deux amis de lycée, de vrais fossés culturels, sémantiques et de pratiques professionnelles existent ; les systèmes de valeurs sont sensiblement différents entre la recherche publique et les entreprises. Le fossé est particulièrement profond en France. Nous opérons en effet une distinction purement idéologique entre  recherche amont noble et désintéressée, et  recherche industrielle servile, voire inféodée au grand capital. 45 ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIERCette distinction est réductrice, elle ignore que dans de nombreux laboratoires, tant privés qu’académiques, des recherches fondamentales de haut niveau sont menées conjointement à des recherches appliquées. III-1.2 Le contexte et les enjeux 46 Les pays développés ont engagé depuis trois décennies 23 des transformations en profondeur de leurs systèmes nationaux de recherche et d’innovation. Avec des méthodes différenciées et des résultats contrastés, les Etats-Unis, le Japon, les pays Européens, puis les grands pays émergents, ont élaboré et mis en œuvre des politiques publiques visant globalement à :  sanctuariser les budgets de recherche amont,  tisser ou renforcer les liens entre recherche, enseignement supérieur et entreprises (grandes, moyennes, petites, start-up), avec le plus souvent une dimension territoriale affirmée, afin de constituer des écosystèmes favorables à la croissance, l’enjeu étant la compétitivité et la croissance. La situation en France Afin d'affronter dans de meilleures conditions la concurrence mondiale et pour renforcer le rayonnement international de la France, les pouvoirs publics ont engagé depuis 1999 une profonde transformation du système français de recherche et d’innovation. Cette politique nationale est déclinée selon deux volets, respectivement recherche et industrie, l’enjeu majeur étant de les faire travailler plus étroitement ensemble pour améliorer la compétitivité et le rayonnement de la France.47 Recherche publique et enseignement supérieur La Loi de programme pour la Recherche du 18 avril 2006 est la traduction législative du Pacte pour la recherche. Elle répond à 6 objectifs essentiels :  renforcer les capacités d'orientation stratégique ;  bâtir un système d'évaluation unifié, cohérent et transparent ;  rassembler les énergies et faciliter les coopérations entre les acteurs de la recherche ;  offrir des carrières scientifiques attractives et évolutives ;  intensifier la dynamique d'innovation et rapprocher davantage la recherche publique et privée ;  renforcer l'intégration du système français de recherche dans l'espace européen. Une série de mesures et de dispositifs a d’ores et déjà été mise en œuvre pour agir sur la cohérence et la compétitivité de l'offre publique de recherche et d’enseignement supérieur : d’un côté, les RTRA, CTRS, PRES, l’autonomie des Universités, l’opération Campus, possèdent une forte dimension territoriale. Plus récemment, l’appel à projets dans le cadre du Grand Emprunt vise à conforter et/ou faire émerger dans cet esprit des campus d’excellence fortement dotés en ressources financières, des Instituts de Recherche Technologique, des Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologie, des Initiatives, Laboratoires et Équipements d’excellence… Le label Carnot récompense quant à lui les laboratoires qui mènent simultanément des activités de recherche en amont (ressourcement scientifique et technologique), et une politique volontariste en matière de recherche partenariale au profit du monde socio-économique. Entreprises, recherche et territoires Autre dispositif structurant majeur du paysage national de l’innovation, initié en 2005, les pôles de compétitivité sont ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIERdes dispositifs territorialisés agissant sur la mise en réseau de l'ensemble des acteurs scientifiques et économiques. Leur gouvernance fait une large place aux acteurs industriels sans exclure toutefois la recherche et les collectivités. Ce dispositif a été audité en 2008 et reconduit avec quelques ajustements à la marge. La situation aux États-Unis Souvent présentés comme la superpuissance de la connaissance, les États-Unis dominent le paysage scientifique et académique mondial, avec notamment la capacité à attirer les cerveaux et les entrepreneurs du monde entier. Avec près de 370 Mds $, soit 2,6% du PIB, les États-Unis totalisent en effet 36% des dépenses mondiales de R&D (chiffres 2007). Cette suprématie repose sur un système de recherche et d’innovation original, qui associe :  interventions publiques des États et du gouvernement fédéral  initiatives privées. Un cadre législatif favorable Dans les années 1980, le gouvernement fédéral américain possédait 28 000 brevets, dont moins de 5% étaient exploités. Grâce au Bayh-Dole Act, adopté en décembre 1980, et permettant aux Universités d'exploiter à leur compte les résultats de recherches financées par les agences fédérales et exécutées dans leurs laboratoires, elles peuvent déposer des brevets, en garder la propriété intellectuelle, gérer le transfert de technologie et utiliser les revenus correspondants pour financer leurs recherches. Le Bayh-Dole Act a permis une croissance forte des dépôts de brevets et de la commercialisation d'un grand nombre de nouvelles technologies. Il a également entraîné une mutation fondamentale dans la pratique de la recherche académique, avec la formation dans toutes les grandes Universités américaines de Technological Transfer Offices qui vont 48jouer un rôle majeur dans l'orientation même de la recherche et dans la mise en place des partenariats avec les entreprises privées. Depuis 1982, le SBIR - Small Business Innovation Research program - oblige les agences fédérales de R&D à consacrer 2,5% de leur budget au soutien aux projets innovants portés par les PME. Un triptyque gagnant : pouvoirs publics, Universités de renom, entreprises La recherche fondamentale est soutenue sans faille par le budget fédéral. Les 14 Departments (Energie, Défense, Sécurité Intérieure, Transports, Agriculture, Santé…) et la National Science Foundation disposent de leurs propres enveloppes budgétaires qui financent les recherches publiques et privées. Les arbitrages nationaux décident de priorités fortes qui permettent de bâtir des positions fortes à l’échelle mondiale ; défense après-guerre, TIC (décennies 1970-1980), biotechnologies, homeland security depuis 2001… On compte plus de 4000 établissements d’enseignement supérieur aux Etats-Unis, dont moins de 200 conduisent des activités de recherche. Le « marché » de l’enseignement supérieur est structuré en 3 niveaux par le three tier system. Dotées d’une forte autonomie de gestion, les Universités sont cependant largement dépendantes de fonds publics, fédéraux pour les activités de recherche, des états pour les dépenses de fonctionnement. Les frais d’inscription contribuent également à équilibrer les budgets. Enfin, les principaux investisseurs en R&D sont les entreprises elles-mêmes (2/3 du total). L’open-innovation, pratiquée de facto depuis l’invention du premier parc technologique à Stanford dans les années 1950 est une réalité, et le transfert de technologie, la coopération entreprises-Universités fonctionnent à merveille grâce notamment à la proximité géographique et culturelle de différents acteurs. 49 ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIERLa situation au Japon Contrairement à la France qui ne l’assume pas, le Japon fait explicitement reposer son expansion économique et le bien- être de ses habitants sur la science, la technologie et l’innovation. La science et la technologie ont joué un rôle clé dans la modernisation du pays depuis la seconde moitié du XIXème siècle. Une culture de la stratégie et de la prospective appliquée à la recherche Depuis le milieu des années 1990, la politique de recherche du Japon est définie dans une loi-cadre et des plans à 5 ans sont mis en place. Le Conseil pour la politique de la science et de la technologie (CSTP) est présidé par le Premier Ministre ; il est composé de personnalités de haut niveau du monde de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’industrie et a défini 4 domaines prioritaires (les sciences de la vie, les sciences et technologies de l'information et de la communication, l'environnement, les nanotechnologies et les matériaux), et 4 domaines annexes. Dans ce contexte, une réforme importante des Universités a été entreprise en 2004, visant à les doter d’une autonomie accrue et à changer leur statut. Les allocations de budgets publics prennent désormais en compte des critères comme la valorisation de la recherche ou l’ouverture internationale. Recherche fondamentale et recherche appliquée : pas de barrière Le schisme entre recherche amont « noble et désintéressée », et recherche industrielle « servile » n’existe pas dans la culture et le fonctionnement de la recherche au Japon. Des recherches fondamentales de haut niveau sont menées en parallèle à des recherches appliquées, tant au sein des laboratoires privés qu’académiques. Cet état d’esprit contribue - même s’il ne suffit pas - à expli- 50quer la part prépondérante prise par l’industrie dans le financement de l’effort national de recherche : 80%, à comparer à 66% pour les Etats-Unis et tout juste 50% pour la France. Avec une population double de la France, le Japon compte 830 000 chercheurs, dont 450 000 en entreprise (France : respectivement 250 000 et 100 000). L’effort national de recherche s’élève à 3,6% du PIB (2,2% en France). 51 Dans ce contexte mondial en mutation, les métiers de la recherche connaissent et connaitront des évolutions porteuses d’enjeux majeurs. Le rapide - et très partiel - tour d’horizon précédent permet de mettre en perspective les lignes de forces suivantes concernant :  les acteurs de l’innovation, chercheurs et ingénieurs  leurs rôles  leurs compétences  ainsi que des bonnes pratiques dont nous pourrions nous inspirer en France. La redéfinition des thématiques de recherche Révolution verte, urgence environnementale, lutte contre le changement climatique... Autant d’expressions qui impactent les thématiques prioritaires de recherche, s’agissant de la production d’énergie, des nouvelles mobilités, de l’habitat, des méthodes de production et de recyclage, de la gestion des ressources naturelles. Bâtir des sociétés basées sur l’information, permettre à tout moment, partout, la communication entre individus, entre objets, entre systèmes… L’infiltration des technologies de l’information et de la communication dans toutes les situations de notre vie courante n’en est probablement qu’à ses balbutiements, et la recherche devra en tenir compte. L’accroissement de la population mondiale, son vieillissement, déjà visible dans les pays développés, attendu dans ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIER52 Les enjeux socio-économiques mondiaux guideront de plus en plus les thématiques de recherche. les pays émergents, les attentes croissantes en termes de bien-être tout au long de la vie, la prévention de nouvelles pathologies… sont autant de thématiques incontournables qui offrent un vaste territoire pour la recherche. La nécessité du décloisonnement entre les disciplines La prise en compte de ces enjeux majeurs fait que les « logiques » de la relation laboratoires/industrie évoluent : la mise en place des clusters ou pôles a opéré un passage d’une logique où la recherche pousse l’industrie, à une logique où les besoins de l’industrie tirent les compétences de la recherche. Dès lors, les usages prennent une importance grandissante, et les chercheurs des sciences dites dures doivent se poser très en amont la question de l’acceptabilité, de l’utilité, de la valeur économique de leurs recherches et par conséquent, travailler en équipes pluridisciplinaires avec des spécialistes des sciences humaines et sociales. Cette tendance vaut également pour les ingénieurs en entreprises, appelés très en amont à travailler en équipes intégrées avec les fonctions telles que marketing, commerciales, production, ou achats. Outre ces synergies entre sciences dures et sciences molles, de nouvelles disciplines scientifiques et technologies apparaissent déjà, rendant indispensables le décloisonnement des formations : bio-photonique, biocatalyse, photocatalyse, mécatronique, bioinformatique, nutri-toxicologie pour n’en citer que quelques-unes. Le décloisonnement entre les disciplines s’imposera malgré des réticences prévisibles.53 La mise sous tension de la Recherche Même si les « mandarins » de la recherche publique ou les « barons » des Divisions R&D des entreprises privées résistent, force est de constater que les démarches d’appels à projets, les processus d’évaluation instaurent partout dans le monde une forme de précarité des entités de recherche. Par exemple, la reconfiguration d’un laboratoire ayant franchi un jalon dans ses recherches, la dissolution d’une équipe engagée dans une impasse, la délocalisation d’un laboratoire d’entreprise ne sont plus des sujets tabous. Dès lors, faire de bonnes recherches, publier, breveter, avoir un indice d’impact ou un point H24 élevé ne suffit plus. On attend de plus en plus des chercheurs qu’ils :  montent des projets de recherche collaborative : évaluation ex-ante des impacts attendus, argumentation sur l’état de l’art préexistant, structuration du programme de travail (organigramme des tâches), élaboration du calendrier, calculs économiques, stratégie de valorisation ; ce travail doit être percutant sur le fond comme sur la forme  aient des talents de lobbyistes pour défendre leurs projets, qu’ils soient communicants  conduisent les projets suivant des standards de « professionnalisme » (le maître mot des Instituts Carnot en France) : reporting, suivi des coûts, des livrables, propriété intellectuelle, relations avec les financeurs. En France les fonds publics, en hausse il convient de le noter, provenant des collectivités régionales, de l’Agence Nationale pour la Recherche - ANR -, d’OSEO… saturent les équipes de recherche qui fonctionnent à effectif permanent contraint. ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIER54 Ceci impose des arbitrages parfois délicats entre priorités et l’appel à des renforts (stagiaires, doctorants, post-docs, CDD…). Logique de projets, course à l’excellence : la recherche est d’ores et déjà mise sous tension. III.2 L'image du métier d'ingénieur auprès des jeunes et du corps social Le déficit en ingénieurs est d’autant plus menaçant pour les économies avancées qu’il se produit à un tournant de l’histoire économique. La capacité d’action des ingénieurs devient de plus en plus nécessaire pour affronter ces défis d’ampleur mondiale qui sont nôtres. Ces défis obéissant à deux logiques :  la compétitivité économique d’une part : nanotechnologies, énergie propre, virtualisation de la valeur, informatique dématérialisée - cloud computing -  la survie de la planète d’autre part : réchauffement, accès aux ressources, vieillissement local de la population, tensions géopolitiques résultant des déséquilibres, … exigent une augmentation des compétences, en qualité comme en quantité, dans les métiers impactant les réalités économiques et environnementales. Les compétences des ingénieurs en font partie. Le besoin est estimé en France à un effectif de 40 000 par an, et il y a chaque année 30 000 nouveaux entrants. Un déficit de 25%. Ce déficit n’est pas imputable seulement au système d’éducation. Il découle fortement de la perte de prestige de la profession. Il est par ailleurs mondial et un traitement national, indépendant du marché international des compétences, est55 voué à l’échec. Notre voisin Allemand souffre du manque d’ingénieurs avec une acuité décuplée par un vieillissement démographique supérieur à celui de la France. Outre Rhin le besoin annuel d’ingénieurs est évalué à 95 000 pour un effectif diplômé de 40 000. Le seul déficit allemand est supérieur à la totalité de l’effectif diplômé en France. Les États-Unis et le Japon sont deux exemples similaires. La seule politique durable pour remédier au déficit énoncé est de rendre aux jeunes le goût des métiers scientifiques et techniques. La France et de nombreux pays ont entrepris de telles politiques avec une magnitude timide, fondées sur des actions aux effets limités, ponctuels et non répétables. Or c’est un effort soutenu qu’il faut pour un impact mesurable. Deux aspects d’égale importance doivent être considérés pour restaurer la profession: l’enseignement et les médias. Nous allons les développer. III-2.1 L'assèchement du pipeline Le manque d’ingénieurs est mondial et doit se concevoir dans ce contexte. Les pays en butte à la pénurie d’ingénieurs ont développé des stratégies d’attractivité aux succès divers dont on peut s’inspirer. On emploie souvent l’analogie du pipeline pour décrire l’évolution du flux de jeunes au long de leur parcours scolaire et universitaire dans une filière disciplinaire donnée. Un modèle est en effet nécessaire pour comprendre où, quand et pourquoi un jeune vient/ne vient pas vers les filières scientifiques et techniques ou quitte celles-ci. Aux USA, l’entreprise Boeing s’est inquiétée de la désaffection de la profession d’ingénieur dès les années 90 et s’est notamment penchée sur la modélisation quantitative du pipeline à l’échelle d’une population entrante de 4 millions : ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIER56 Cette modélisation a permis de quantifier l’hypothèse selon laquelle l’action doit se situer bien en amont de l’enseignement supérieur pour raviver l’intérêt pour les sciences et les technologies. Une vue qualitative des motivations de la désaffection a été fournie par l’American Society for Quality en juillet 2009 : 4000000 3000000 2000000 1000000 0 5 10 15 20 25 Effectif total entrant Intéressés aux S&T Intéressés aux S&T Major en S&T Diplomés en S&T: Engineering 20000 Passent Algèbre de base Age Se pose alors la difficulté suivante : dans la plupart des systèmes d’éducation, les premières années de la scolarité sont disciplinairement indifférenciées or c’est à l’âge de l’école primaire que se forment les vocations. Des études ont montré par exemple que dès l’âge de 9 ans une classification mentale des professions par sexe est formée et que pour certaine profession le stéréotypage sexuel est très fort. Ainsi à 21% 30% 44% 85%57 cet âge la majorité des filles se sont déjà interdit de considérer la profession d’ingénieur. Toute action de nature à promouvoir la profession passe donc nécessairement par un des canaux suivants sinon les deux :  l’école, les enseignants, les autres intervenants, les autres élèves  les médias, télévision, internet, jeux vidéo, lectures, cinéma. III-2.2 Le soutien à apporter aux enseignants Les programmes et le risque de réduction de la place des TIC (Technologies Informatiques et de Communication) En France, les programmes de technologie ont bien évolué ces dernières années mais il existe toujours des risques :  la tentation de réduire le volume horaire de technologie. L’enseignement de technologie est le seul qui donne une occasion de combiner diverses autres disciplines dans un projet de mise en œuvre, donnant ainsi à l’élève non seulement une occasion d’apprendre par l’action mais aussi de vivre et comprendre la finalité d’autres disciplines.  la tentation de négliger la formation des enseignants. Dans le primaire, comment aider l’enseignant à mettre en place des projets pluridisciplinaires pour donner du sens aux diverses matières impliquées ? Dans le secondaire comment mettre en place des projets pluridisciplinaires qui fédèrent les efforts des professeurs ?  la tentation de se satisfaire d’une politique dite des Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Éducation - TIC -. Équiper l’enseignement de technologies informatiques et de communication est indispensable à l’efficacité de tout enseignement mais ne constitue pas un enseignement au raisonACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIER58 nement, aux savoirs et aux applications de la technologie. Au contraire, il y a un risque de contreproductivité par l’impression de facilité qu’elles induisent chez de nombreux d’étudiants. L’enseignement technologique et scientifique nécessite ses propres productions pédagogiques nouvelles rendues possibles par l’informatisation. Dotation en matériels et cours clef en main En Allemagne, où la pénurie d’ingénieurs est aggravée par la démographie, Siemens et Bosch interviennent dès l’école maternelle :  en 2008 Siemens a fourni près de 3 000 boîtes de découvertes - d’un coût unitaire de 500 € - contenant moyens et méthodes d’expériences scientifiques adaptées aux enfants des maternelles du pays. Cette distribution s’accompagnait de formations adaptées pour les instituteurs. Elle s’est étendue en Chine, en Afrique du Sud, en Irlande et en Colombie.  Bosch envoie ses apprentis dans les kindergarten pour expliquer leur vie au travail et pour inviter les enfants à visiter l’entreprise. Clubs et activités périscolaires ou de vacances À la recherche de temps disponible pour la découverte et l’apprentissage des sciences et technologies, de nombreuses Universités et entreprises développent aux Etats-Unis des programmes sur la pratique d’expériences ou de réalisations techniques par des élèves du primaire et du secondaire. Près de 150 programmes de ce type sont recensés en 2009. L’un d’entre eux est mis en œuvre à l’Université Georgia Tech avec le soutien de Boeing, Agusta Westland et Dassault-Systèmes. Les deux premiers partenaires apportent le financement et l’inspiration professionnelle et ce dernier fournit les outils de CAO et un programme de cours clef en main développé uniquement à cette fin. Une caractéristique de la réussite de tels programmes est leur crédibilité industrielle. Celle-ci requiert une implication59 Préceptorat (Mentoring) par des étudiants de l’enseignement supérieur Les Écoles peuvent apporter une contribution très directe à des programmes visant le secondaire en mobilisant ses étudiants dans des opérations de mentoring27 structurées. L’assistance et le conseil d’un groupe du secondaire par un significative des employeurs autant dans leur conception que dans leur réalisation. Nous invitons les diplômés des Écoles d’ingénieurs à soutenir, là où ils le peuvent, de tels programmes depuis leurs entreprises respectives. Projets multi-intervenants à finalité industrielle La mise en œuvre de tels programmes nécessite la disponibilité d’une cellule d’animateurs qui peuvent relever du Ministère de l’éducation nationale, d’associations 25 ou d’entreprises. L’intérêt de telles configurations est alors dans le partage de l’effort mais aussi dans la richesse des programmes résultants. Ainsi le programme Mobi3, qui vise les classes de 3ème, est animé en France par l’Institut du Mécé- nat Social 26 et fédère plusieurs partenaires tous impliqués dans un élément particulier de la chaine industrielle de la téléphonie mobile. ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIER60 étudiant du supérieur produit en effet trois valeurs ajoutées essentielles :  pour les élèves : leur montrer un modèle en action de la vie et de la pratique d’un étudiant du supérieur ; outre l’apport technique, parfois nécessaire à la réussite d’un projet, c’est par sa propre histoire que l’étudiant démystifie les études supérieures et aide à surmonter les autocensures sociales ou intellectuelles mieux que ne le ferait un conseiller d’éducation,  pour l’étudiant : pratiquer la gestion de projet et mettre en situation des pratiques de leadership,  pour les enseignants du secondaire : leur faire découvrir des pratiques modernes et proches de celles de l’industrie et leur permettre de se les approprier pour une restitution ultérieure, bref se former. III-2.3 Le ton à adopter dans les médias En matière de sensibilisation, il importe que la société globalement et la jeunesse en particulier, reçoivent les messages essentiels qui rétablissent l’importance mondiale du fait scientifique et technique dans la vie sociale, pour le bien-être de tous et pour la durabilité planétaire du développement humain. Le besoin de communiquer est illustré par deux initiatives concomitantes de l’académie Américaine des Technologie (NAE : National Academy of Engineering) :  pour mobiliser la société : les grand challenges for engineering, une liste de 14 sujets d’ampleur mondiale qui nécessiteront des solutions d’ingénieurs constituent une focalisation systématique de nombreuses opérations de vulgarisation et de communication, mais aussi de priorités de financement de recherche et d’éducation.  pour intéresser les jeunes : changing the conversation est un exercice de conception de messages pour moderniser le vocabulaire du discours public sur les sciences de l’ingénieur. Appuyé sur des tests d’audience et des sondages, il a débouché sur une série de messages clefs de positionnement, consignés dans un rapport publié en 2008 qui inspire61 à présent des campagnes de recrutement d’étudiants, de sensibilisation de lycéens et sert aussi de spécification aux producteurs de fictions de Hollywood. Des sites pour promouvoir la profession Extrêmement sensibles au sujet de la désaffection pour les professions technologiques, les USA produisent un effort considérable, sous forme d’initiatives variées qui entraînent un foisonnement de sites internet. Quel domaine de campagne médiatique? L’UIMM finance en France une campagne de publicité télévisée visant à promouvoir l’intérêt des jeunes pour les industries qu’elle représente. La campagne a commencé en décembre 2009. L’idée est bonne, et nous pensons que la construction d’une opinion positive pour les sciences et techniques gagnerait encore plus à être plutôt entreprise sur la zone d’interaction académique et économique que constitue désormais l’Union Européenne. La FEANI (Fédération Européenne des Associations Nationales d’Ingénieurs) plaide pour une campagne à cette échelle et a trouvé un fort encouragement pour cela du VDI (Fédération des ingénieurs allemands). Nous recommandons un effort national et européen pour une campagne soutenue dans les médias de l’Union Européenne en faveur des métiers de l’ingénieur. Les jeux vidéo et le continuum : « jouer, apprendre et travailler » Par leurs analogies avec l’univers du jeu vidéo, devenu familier aux jeunes, les outils de virtualisation - visualisation, 3D, CFAO … - qui sont d’une importance croissante dans la vie de l’ingénieur, sont des environnements informatiques extraordinairement bien acceptés par les jeunes, en particulier dans la tranche 10-15 ans. ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIER62 C’est cette observation qui a conduit la NSF - National Science Foundation - des Etats-Unis à financer de nombreux projets de recherche universitaire visant à explorer et valider l’apprentissage des sciences et techniques au travers de scé- narios spécifiques de jeux vidéo. Ainsi, Dassault-Systèmes travaille sur le sujet des jeux adaptés à l’enseignement secondaire, avec un consortium d’Universités, financé par la NSF. Il n’y a pas en France de projet d’ampleur similaire. Il devient de plus en plus facile d’associer des comportements interactifs réalistes et amusants à des données techniques décrivant des produits. Ceci permet la réutilisation de ces données pour insérer des objets industriels dans divers environnements et construire des scénarios de jeux qui provoquent de nombreux mécanismes d’implication facilitant des apprentissages. Savoir créer des environnements d’apprentissage virtuels mobilisant le continuum Jouer, Apprendre et Travailler en 3D devient un avantage compétitif dans le concours de modernisation de la formation d’ingénieurs et de techniciens du 21 ème siècle. Après le simulateur de vol, le simulateur de conception… Il appartient au pays de se doter d’un laboratoire national d’innovation, de validation et de production de contenus pédagogiques d’inspiration professionnelle mettant à profit les possibilités d’un tel enseignement participatif. Multi-industries par vocation, cette innovation pourra être mise au point et développée en regroupant les efforts d’acteurs nationaux au sein d’un secteur donné, par exemple l’aéronautique. III-2.4 La position de l’ingénieur dans le corps social Les constats Le métier d’ingénieur, au sens global du terme, a 63 objectivement perdu de son attractivité. Non seulement pour les jeunes et les étudiants, mais aussi dans l’image que s’en fait le grand public. Les médias y contribuent quand ils mettent en avant les ratés ou les surcoûts d’une réalisation par ailleurs remarquable (cf. A380, viaduc de Millau). Le métier d’ingénieur, en dehors de tout effet âge d’or, était dans les années qui ont suivi la guerre, et jusque vers la fin du premier choc pétrolier, perçu comme à la fois prestigieux et bienfaisant. Au sens strict du mot : bien faisant. En France, par exemple, le programme de construction des centrales nucléaires, le défi du train à grande vitesse, la mise au point de cet avion improbable qu’était le Concorde, le développement rapide d’un réseau autoroutier de grande qualité, le minitel, autant de traces de la capacité des ingénieurs à changer la vie quotidienne. Paradoxalement, le métier d’ingénieur ne fait plus rêver les occidentaux, quand dans le même temps, son apprentissage devient pour les Indiens - 700 000 ingénieurs formés par an, toutes disciplines confondues - et les Chinois - 65 000 ingénieurs aéronautiques formés par an - la porte d’entrée dans un merveilleux univers professionnel. Sous un angle beaucoup plus matériel, la main invisible du marché du travail vient donner à ce désintérêt existentiel une sanction économique qui ne peut que le renforcer. Pour un jeune diplômé en situation de premier emploi, la ré- munération du métier d’ingénieur est significativement plus faible que celle d’un trader, d’un financier, voire d’un commercial, sans que rien de particulier dans la formation initiale ne le justifie objectivement. Les objectifs de redressement à atteindre - Remettre l’ingénieur dans les grandes boucles décisionnelles L’ingénieur est un des grands absents du monde politique en particulier, qu’il s’agisse de représentations nationales ou ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIER64 des postes d’influence dans la haute administration, donc des grandes décisions. Que peut apporter l’ingénieur, au fait de son métier et engagé à l’exercer, aux grands projets de toute nature ? Il est capable de proposer et mettre en œuvre :  une méthode de travail pragmatique et réaliste, dont les composantes essentielles sont l’analyse détaillée des contraintes d’entrée - expression du besoin - et de sortie, l’intelligence et la prise en compte des risques, la connaissance des technologies disponibles et de leur niveau de maturité, traductible en coûts et délais  le développement logique d’un plan de travail détaillé  la prise en compte des leçons du passé et de l’expérience acquise  La maîtrise du sujet, et de ses à-côtés, grâce à sa formation et à sa pratique technique  une capacité d’innovation apte à surmonter ou contourner les contraintes et les zones mal connues du projet  la capacité de constituer des équipes, de les diriger et d’en contrôler fonctionnement et résultats. Comment faire pour le faire savoir ? Comment intéresser les ingénieurs en fonction à oser prendre les responsabilités qu’ils ont les moyens d’exercer ? - Valoriser le métier d’ingénieur Cette valorisation ne peut être que systémique : agir simultanément sur plusieurs facteurs pour jouer de l’effet d’amplification mutuelle. Les points d’application d’un tel ensemble de mesures se nomment salaires d’embauche, systèmes d’incitation, campagnes de communication, renforcement des réseaux, encouragement aux carrières atypiques, soutien aux engagements politiques et sociaux, valorisation des réalisations et de leurs auteurs, création d’événements technologiques, capacité à intervention dans les médias, etc.65 III.3 Les capacités managériales de l'ingénieur III-3.1 L'expert et l'animateur d'équipe Qu’y a-t-il de commun entre le métier d’ingénieur et celui de manager ? À l’origine, une vraie différence… Le métier de l’ingénieur est celui de l’expertise. Il est centré sur le produit : son objectif est d’apporter des solutions à des problèmes complexes, de développer des produits adaptés aux attentes du marché voire des marchés de demain. Nombre d’entre eux travaillent dans des bureaux d’études dans le domaine de la Recherche et du Développement, la RTDI, pour préparer l’avenir. Sa performance s’exprime à travers ses capacités d’innovation pour trouver des solutions, ses capacités à « défricher » des voies nouvelles de connaissances. Le métier du manager est celui d’un animateur d’équipe. Il est donc centré sur les Hommes. Sa préoccupation de tous les jours, c’est la performance : celle de l’équipe qu’il manage. Son « job » consiste à développer la performance individuelle et collective. Sa capacité à mobiliser son équipe, à piloter ses projets (compétences de gestion), à atteindre des objectifs et à gérer et développer les compétences des membres de son équipe, est mise à l’épreuve. Et pourtant les points communs sont nombreux. La figure de l’ingénieur, seul dans son laboratoire, n’existe pratiquement plus : la réalité, c’est celle d’un travail en équipe voire d’un travail en réseau dans le cadre de ce que l’on appelle le travail collaboratif d’équipes pluridisciplinaires. Pour réussir, l’ingénieur doit faire preuve de qualités d’ouverture, de leadership, de communication, pour ne citer que celles-là, et au fil du temps et des projets, il devra encadrer des équipes de plus en plus nombreuses. Ces qualités se retrouvent chez les managers qui doivent gérer de plus en plus des équipes programmes, des équipes ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIER66 projet, des équipes transverses : le pouvoir hiérarchique, le « pouvoir sur », laisse la place à la capacité à faire travailler ensemble, le « pouvoir pour »… Qu’il soit ingénieur ou manager, il/elle fera preuve des mêmes qualités pour s’inscrire dans le contexte de la coopération. III-3.2 L’ingénieur, animateur d’un travail d’équipe Pour apporter des solutions, l’ingénieur travaille en équipe. Le travail devient pluridisciplinaire : un ingénieur ne peut plus maîtriser seul tous les aspects techniques d’un ensemble complexe. Comme le manager, il doit faire preuve de qualités relationnelles : capacité à se remettre en cause, capacité à écouter, capacité à communiquer, à transmettre, à expliquer… Il doit savoir convaincre, prendre des décisions et les assumer. Pour motiver, il doit fixer des objectifs ambitieux, mais atteignables, savoir encourager et féliciter, mais aussi avoir le courage de demander à un collaborateur de changer son comportement sur tel ou tel point qui nuit à l’efficacité de l’équipe. C’est la raison pour laquelle le métier d’ingénieur conduit naturellement à celui de manager. Pour autant, tous les ingénieurs ne deviennent pas des managers : certains choisissent de rester expert et de progresser jusqu’au niveau de l’Expert Émérite. III-3.3 Le management comme étape du parcours professionnel Construire sa vie professionnelle, progresser dans sa carrière, c’est faire face à de fréquents mais passionnants changements : changements d’entreprise, changements de poste, changements d’équipes et donc changements relationnels. L’un des enjeux du parcours professionnel d’un ingénieur67 est donc bien le management du changement ! Ne pas le subir mais savoir en détecter l’approche et en faire à chaque fois un atout de développement professionnel. Deux filières principales s’ouvrent à l’ingénieur en matière de parcours professionnel :  la filière d’expert dans une spécialité. Sa progression se fait alors le plus souvent selon trois niveaux à savoir junior - apprend en coopérant -, senior - assure la responsabilité globale du chantier -, expert - forme, diffuse la compétence, la fait évoluer, l’applique en l’adaptant aux cas les plus délicats -. À elles seules, ces étapes peuvent éventuellement structurer toute une carrière professionnelle. Elles sont caractérisées par une forme de management spécifique, le management par l’influence.  la filière management opérationnel. Sa progression se fait alors selon différents niveaux hiérarchiques, au fur et à mesure des responsabilités prises et des opportunités nées de l’évolution des projets et des programmes. Cette filière mobilise une autre forme de management, le management par l’animation. À chaque étape de son parcours professionnel, l’ingénieur se doit donc d’enrichir sa palette de compétences. Aucune des deux filières n’est une voie sans retour. L’alternance est possible, affaire de tempérament et de projet professionnel personnel. ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIERIII.4 Stratégie et moyens : nos propositions III-4.1 Propositions pour réintégrer la recherche dans le métier 68 Proposition 9 - Développer les synergies entre les formations d'Ingénieur et de docteur Remplacer l'opposition quasi-sémantique entre ingénieur et docteur par une situation de conjugaison : non pas abolir les très utiles nuances opératoires, mais renforcer le socle de connaissances et de méthodes partagées. Proposition 10 - Réinventer les rapports entre recherche et enseignement Imaginer et mettre en œuvre une stratégie universitaire optimisant simultanément l'enseignement de la recherche : formation des chercheurs, et l'enseignement par la recherche : fonction pédagogique des chercheurs. III-4.2 Propositions pour valoriser le métier Nous estimons qu'il convient d'engager, pour ce qui est de l'image du métier d'ingénieur auprès des jeunes et du grand public au moins deux actions de changement : Proposition 11 - Renforcer les capacités managériales de l'ingénieur Donner aux ingénieurs, dès leur formation initiale, les bases du processus mental leur permettant de dépasser, une fois les premières expériences professionnelles acquises, une opposition infondée entre le métier d'ingénieur et le management d'équipes.69 Remettre les métiers de l'ingénieur et les ingénieurs eux-mêmes à leur juste place, qu'il s'agisse de reconnaissance sociale ou de valorisation de l'activité, dans l'évolution de la société européenne, qui doit demeurer pôle mondial de progrès. Cette action passe forcément en amont par une amélioration de l’attractivité du métier et du processus de formation. Faire rêver les jeunes - hommes et femmes - et déclencher l'intérêt des éducateurs en valorisant des carrières individuelles choisies pour leur exemplarité. Proposition 12 - Valoriser l’ingénieur comme acteur essentiel du progrès ACCOMPAGNER LA NÉCESSAIRE MÉTAMORPHOSE DU MÉTIER71 Nous proposons de :  prendre acte du fait que le métier d'ingénieur est en crise en France depuis une vingtaine d'années  reconnaître que les causes de ce désamour sont essentiellement logées dans le rétrécissement des débouchés, le déficit d'image d’une formation « ardue » pour des rémunérations généralement plus faibles que les formations Commerce et Finances, et l'orientation encore insuffisamment expérimentale des méthodes d'enseignement qui décourage certaines vocations authentiquement scientifiques  tenir compte du fait que de nombreux pays émergents, passant d'une mentalité d'imitation à une mentalité d'innovation, considèrent à juste titre le déploiement volontariste des formations d'ingénieur comme un atout essentiel dans la compétition mondiale  considérer le maintien de la France, de l'Europe, en bonne place dans des secteurs industriels fondamentaux comme un impératif économique, politique et social. IMAGINER ET FORMER L'INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈS IV.1 De quoi s’agit-il ? - IV - Il s'agit de définir et mettre en œuvre des actions concrètes et d'effet durable visant à réinventer le métier d'ingénieur, en France et en Europe, pour en valoriser le rôle dans la société.IV.2 Comment faire pour ? Trois domaines d'action prioritaires ont structuré notre travail de réflexion. L’analyse de situation dans chacun de ces domaines est donnée dans les quatre chapitres qui précè- dent. Les fiches de synthèse décrivant les douze propositions d’action recommandées sont réunies dans ce chapitre. I. Renforcer la dimension internationale 1. Créer des sites sous label propre en pays étranger 2. Impliquer les communautés scientifiques et industrielles internationales dans les Écoles d’ingénieurs 3. Définir un niveau minimal exigible de compé tence à l’international et en vérifier l’obtention 4. Rendre les Écoles visibles sur les réseaux de communication mondiaux 5. Développer l'accueil et l'intégration des étudiants étrangers II. Développer l’innovation et l'entrepreneuriat 6. Préparer et motiver les ingénieurs à oser et savoir développer une innovation 7. Préparer les ingénieurs à la création ou la reprise d’entreprise 8. Rendre plus attractives les carrières en PME, et plus particulièrement dans les PME innovantes III. Accompagner la nécessaire métamorphose du métier 9. Développer les synergies entre les formations d'ingénieur et de docteur 10. Réinventer les rapports entre recherche et enseignement 11. Renforcer les capacités managériales de l'ingénieur 12. Valoriser l'ingénieur comme acteur essentiel du progrès 72IV.3 Pourquoi est-ce nécessaire ? Le métier d'ingénieur évolue. Il s'agit toujours de savoir ré- soudre des problèmes à dominante technique, mais aussi et de plus en plus d'être capable de gérer des environnements complexes en apportant des modifications innovantes aux méthodes, aux moyens, aux produits. Anticiper sur ces évolutions est à nos yeux la manière la plus réaliste, la plus durable, la plus profitable de conserver notre mot à dire, et surtout les moyens de le faire entendre, sur la construction du monde à venir. 73 Les buts poursuivis en proposant que soient mises en œuvre les propositions de changement ici résumés sous forme de plan d’action sont de :  contribuer à conserver à la France un rôle majeur dans la construction européenne  pérenniser sur le territoire européen l'existence de centres de compétence à haute valeur ajoutée. IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSIV.4 Douze propositions de changement Proposition 1 Créer des sites sous label propre en pays étranger De quoi s’agit-il ? 74 Créer en pays étranger, avec co-financement local, sous label des Écoles, des sites adaptés au pays hôte, démultipliant ainsi leur action, et accroissant leur taille globale effective. En d'autres termes, passer de l'École-PME à l'ÉcoleMultinationale. Nous proposons de changer la dimension de nos Écoles en en faisant des multinationales de la connaissance technologique et scientifique. En effet, il ne suffit plus de se contenter d'exporter des ingénieurs formés en France, voire en Europe, vers les pays qui représentent aujourd 'hui l'essentiel du marché de ce savoir-faire. Non seulement notre système ne produit pas assez de diplômés, mais encore ils ne sont pas adaptés aux cultures locales et entrent en concurrence avec ceux d'Universités disposant de moyens d'un tout autre ordre de grandeur. Comment faire pour ? Quatre perspectives de changement sont à prendre en compte simultanément : 1. Le mode de fonctionnement de nos Écoles relève de la dispersion des moyens et limiter leur zone d'influence au territoire national les empêche d'atteindre la taille critique requise pour un bon rendement. Il convient de décloisonner les disciplines, de développer l'interculturalité, de mutualiser et diversifier les ressources pédagogiques. À périmètres constants ceciimpliquerait de multiplier de manière notable les effectifs des établissements, d'où la nécessité, d'une part de favoriser les regroupements sur le territoire national, d'autre part d'assurer une expansion physique dans les pays en voie de développement. 2. La création des pôles de compétitivité et autres regroupements (clusters) européens à l'international, si elle constitue un premier pas dans la bonne direction, souffre d'un morcellement qui en augmente les coûts et en réduit l'impact. Les fonds consacrés à ces actions nouvelles gagneraient à être partiellement transférés vers des opérations plus ambitieuses encore telles que celles décrites ici. L’addition de ces ressources et des opportunités de financement et d'hébergement existant dans certains pays cibles, garantira la faisabilité des premières implantations. 3. Le désir d'autonomie et de reconnaissance des pays en voie de développement est désormais incompatible avec la mise en œuvre d'un processus unilatéral visant à y détacher des ingénieurs français ou à scolariser quelques étrangers retournant ensuite au pays. Leurs ingénieurs doivent être formés sur place tout en se sentant membres de communautés de savoir internationales. Le co-financement est une condition de réussite économique et surtout sociétale car il implique le partage de la responsabilité. 4. La volonté de mutualiser certains moyens expérimentaux indispensables à toute formation d’ingénieur dans une spécialité donnée. Sans cette mise en commun des moyens, aucune École française n’aura les moyens de faire réaliser les expériences essentielles et l’ingénierie se cantonnera à la théorie. Pourquoi est-ce nécessaire ? La formation des ingénieurs est devenue un enjeu géopolitique. La tendance constatée est un contraste accru entre un 75 IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSrepliement un peu autiste vers la recherche désintéressée de la part des ingénieurs des pays développés, et la prise de conscience par les pays en voie de développement de la né- cessité vitale de cette ressource rare qu'est l'ingénieur créateur d'industrie... Tel qu'il était d'ailleurs il y a un siècle en occident. Non seulement le nombre de diplômés maitrisant les techniques de l'ingénieur demeure significativement insuffisant mais encore ces techniques elle-mêmes sont perçues comme peu valorisantes, en termes de carrière, par les jeunes des pays développés. 76 Les buts poursuivis en considérant les pays en voie de développement comme une nouvelle frontière sont : de donner un second souffle à la formation des ingénieurs, menacée d'extinction en l'absence d'un changement radical de référentiel géographique de conserver ainsi un rôle majeur dans la maîtrise du développement technologique et social au niveau planétaire.77 Proposition 2 Impliquer les communautés scientifiques et industrielles internationales dans les Écoles d’ingénieurs De quoi s’agit-il ? Intégrer organiquement nos Écoles dans les diverses communautés scientifiques et industrielles internationales et, si besoin, en organiser de nouvelles autour d'elles. Nous proposons de connecter de manière systématique, par quelque interface que ce soit, nos Écoles aux diverses communautés internationales existant de droit - les institutions - ou de fait - les entités informelles et en particulier les réseaux et les personnalités de référence -. Au titre de cette recommandation, nous évoquons la composante internationale des conseils scientifiques des Écoles, les chaires d'enseignement dédiées, les projets d'études internationaux, la coopération avec les centres de recherche, certains enseignements optionnels tant en formation initiale qu'en formation continue. Comment faire pour ? Plusieurs dispositions, non concurrentes, peuvent être envisagées : La composition et le fonctionnement des conseils scientifiques : l'idée est d'intéresser des entreprises à vocation internationale, des majors de pays étrangers, ou des personnalités scientifiques éminentes (titulaires de prix internationaux ou responsables d’organismes de financement de la recherche, etc), à participer à leurs travaux, tant pour ce qui est de l'orientation des programmes que des spécifications pédagogiques fondamentales, en leur IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSvendant l'utilité pour elles et leur image d'une telle implication. 2. De nouvelles chaires d'enseignement temporaires, créées par des entreprises en échange d'une participation au fonctionnement, éventuellement comme prolongement opérationnel de la disposition précé- dente. Elles pourront être tenues soit par un enseignant formé dans l'entreprise partenaire, soit par un cadre de cette entreprise ayant des aptitudes technologiques et pédagogiques. 3. L'association à des projets d'étude internationaux, venant compléter l'ouverture à l'international des étudiants participants, leur apportant des acquis validables et faisant connaître les spécificités du métier à ceux des partenaires venant d'autres types de formation supérieure. 4. L'extension des coopérations avec des centres de recherche co-localisés dès la phase d’incubation : une École peut faciliter la naissance d'un nouveau centre de recherche financé, pour ses propres besoins, par une entreprise française ou surtout étrangère : valeur formatrice pour les enseignants et étudiants, amorce de relations préférentielles entre l'École et l'entreprise grâce à une proximité d’une antenne d’un groupe international. 5 Une prestation d'enseignements optionnels par des experts internationaux, consacrés à des thèmes innovants d'application potentiellement universelle, favorisant l'ouverture mentale des étudiants sur des thèmes présumés d'avenir, de manière complémentaire avec les disciplines établies, et pouvant donner aux entreprises d'où sont issus ces experts l'occasion de valoriser ses avancées technologiques. Pourquoi est-ce nécessaire ? Dans le domaine industriel, le développement raisonné, 78tout comme la conservation intelligente des points forts acquis, ont sort lié avec ceux de la formation initiale ou continue des ingénieurs. Pour les industries françaises et européennes, réussir la mutation de la mondialisation implique que : - les liens organiques entre les établissements industriels, les faiseurs de découvertes et les Écoles soient de plus en plus solides, voire résilients, et donc que ces liens soient étendus au champ international ; - les Écoles découvrent de l’intérieur les jeux d’influence globaux, plutôt que d’être placées en position réactive avec retard ; - vu des Écoles, le domaine industriel soit perçu comme un élément fondamental d'un contexte international complexe - vu des entreprises, mêmes étrangères, nos Écoles soient traitées comme un partenaire incontournable, et que le lien entre l'ingénieur en formation et celui qui travaille à son service soit tenu pour une véritable filiation. 79 Les buts poursuivis en multipliant ces points de contact sont de :  remédier, autant que faire se peut, au défaut de nos Écoles qu'est la faiblesse de la relation symbiotique avec le tissu économique national et surtout international  consolider les points forts de ces mêmes Écoles que sont la culture de la formation-action et l'universalité potentielle des cursus, quelle que soit la spécificité des points d'application pédagogiques. IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈS80 Proposition 3 Définir un niveau minimal exigible de compétence à l'international et en vérifier l'obtention De quoi s’agit-il ? Définir :  un niveau minimal de compétence en matière de savoir-faire international pour les ingénieurs diplômés, et aussi, nécessairement, pour les dirigeants et enseignants de nos Écoles  les moyens d’en vérifier l’atteinte effective. Nous avons conscience du fait que le développement raisonné et systématique à l'international de nos Écoles ne peut se décréter. Nous proposons donc d'envisager que soient définies les compétences attendues des ingénieurs qui en sortent et celles requises pour les enseignants qui les forment. Leur spécification et leur acquisition étant de la responsabilité des cadres qui dirigent les Écoles, nous recommandons également qu'elles soient traduites et mises en œuvre à leur propre niveau. Comment faire pour ? Des normes sont à définir, assorties des moyens pratiques de les faire respecter, dans plusieurs domaines : 1. Les mentalités. Pour sortir d'un cadre de référence trop souvent limité aux frontières d'une province, au mieux d'un pays, cadre acquis pendant l'enfance et la scolarité, il importe de développer la mobilité des étudiants, et de leur imposer des expériences de terrain en pays étranger visant à leur faire comprendre ce que multiculturalisme signifie. Pour ceux qui sont déjà en situation professionnelle, des séjours àl'étranger considérés comme une modalité de formation continue répondraient à cette obligation. Pour ce qui est des cadres des Écoles, les parcours de carrière incluant des responsabilités effectives dans des organisations internationales seront systématisés. 2. La pratique effective des langues. Non seulement l'apprentissage de langues non-européennes est à généraliser dès le début du secondaire, mais encore les cursus de nos Écoles auront à intégrer des formations délivrées directement dans quelques langues choisies pour leur universalité potentielle. Cette disposition sera favorisée par les échanges d'enseignants entre Écoles de nationalités différentes. 3. La pro-activité managériale. La capacité à oser prendre des initiatives en dehors du champ proprement technologique local, la prise de conscience des caractéristiques systémiques des activités industrielles et sociales, caractérisent les cadres qui réussissent dans leurs missions. En particulier un dirigeant d'École se doit d'être familiarisé avec les démarches de recherche de financement, l'évaluation des enseignements par les résultats, les méthodes de recrutement d’enseignants d'envergure internationale. Il l'apprendra au contact de partenaires pour qui ces approches sont devenues naturelles. Pourquoi est-ce nécessaire ? Pour ce qui est des diplômés, la nécessité de telles normes et de leur application, qui relève de l'évidence au niveau du discours, demeure encore trop souvent dans les faits au niveau des intentions déclarées. Le principe de ces compé- tences n'étant pas mis en doute, il constitue pour les étudiants qui intègrent nos Écoles une promesse qui doit être tenue. Les enseignants et cadres des Écoles actuellement en poste ont peut-être été recrutés sur des critères différents. Il n'en reste pas moins vrai que, à l'instar des étudiants qu'ils for- 81 IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSment, ils ont à mettre leurs connaissances à niveau pour donner à leur métier l'ampleur de champ requise. 82 Les buts poursuivis en substituant une perspective multiculturelle assortie des compétences correspondantes à une vision trop franco-centrée du métier d'ingénieur et du métier de formateur d'ingénieur sont :  de ne pas bloquer le processus d'internationalisation de l'enseignement de nos Écoles  de rénover le métier d'ingénieur en le remettant à sa juste place dans une économie en cours de mondialisation.83 Proposition 4 Rendre les Écoles visibles sur les réseaux de communication mondiaux De quoi s’agit-il ? Franchir le seuil de la seule visibilité nationale pour parler et faire parler de chacune de nos Écoles un peu partout dans le monde en utilisant tous les canaux de communication existants. Nous proposons d'investir dans l'achat de services de professionnels de la communication pour traduire, dans des termes adaptés à diverses cultures, les résultats obtenus par nos enseignants, nos diplômés, l'encadrement de nos Écoles. L'objectif est d'accompagner les autres actions pré- conisées pour développer leur internationalisation, tout en sortant ces actions de communication de la spécialité propre à chaque École, spécialité souvent portée par son nom et la description de sa vocation. Nous recommandons de diversifier à la fois les cibles et les médias en utilisant les événements impliquant nos anciens élèves comme nos étudiants ou nos enseignants, de préférence à une communication purement institutionnelle mettant en avant les programmes, les démarches pédagogiques ou les discours des dirigeants. Comment faire pour ? Plusieurs modes de travail peuvent être envisagés : 1. Nous appuyer sur ceux de nos anciens élèves qui font carrière à l'international, donc connaissent mieux que nous les pratiques de communication du pays où ils vivent et travaillent. Il convient pour y parvenir de leur donner dès l'École le goût de le faire, en particulier à l'occasion de stages ou d'années passées dans des établissements d'enseignement à l'étranger mais IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSaussi lors d’une implication dans des actions caritatives ou commerciales. Motiver les associations d'anciens pour utiliser sous cet angle des réseaux d'expatriés est un autre moyen de faire connaître les formations donc les Écoles dans les pays où ils travaillent. 2. Accepter que la visibilité de nos Écoles à l'international passe par des actions de communication et d'influence auprès de tous les intermédiaires, même ceux qui universitairement parlant ne nous sont pas naturels : intéresser les cabinets de recrutement internationaux, créer par spécialité, ou s’impliquer dans la création des outils de mesure des organismes d'évaluation comparative, négocier de nouveaux accords d'échange, s'intégrer avec vigueur dans les réseaux internationaux, internationaliser les associations d'anciens élèves... 3. Intéresser les administrations des Écoles et les bureaux des associations d'anciens à jouer le jeu des réseaux sociaux, des participations aux associations scientifiques ou technologiques internationales ; mettre en ligne des cours, animer des réseaux spécialisés par thématique, s'insérer dans les sites collaboratifs existants pour créer un effet de notoriété chez les enseignants étrangers. 4. Obtenir qu'à l'occasion des visites officielles dans les pays étrangers, les délégations comprennent des personnalités du monde des entreprises capables de parler de nos points forts en matière industrielle en les connectant de manière implicite à notre savoirfaire dans le domaine de la formation des ingénieurs. 5. Soutenir en les contrôlant les actions existantes de diffusion des organismes fédérateurs nationaux, tels que par exemple le CNISF, ou en stimuler de nouvelles en particulier pour ce qui est de l’information pra- 84tique sur les procédures d’admission dans les Écoles françaises. Pourquoi est-ce nécessaire ? Les performances éducatives d'établissements dont la notoriété se limite aux frontières des académies, voire des régions ou même du territoire national, et qui en outre consacrent en apparence plus d'efforts à la compétition interne qu'à la consolidation des résultats, n'ont pas la renommée qu'elles méritent. Développer des actions de communication disjointes est à la fois un gaspillage de moyens et un signal interprétable comme une incertitude sur la cohérence des dispositifs mis en œuvre par les Écoles. C'est au sujet d'un système global qu'il convient de communiquer. 85 Les buts poursuivis en globalisant la communication à l'international autour de notre système des Écoles sont de :  leur donner des moyens nouveaux pour attirer des étudiants étrangers et pour obtenir des cofinancements étrangers - firmes, sites, etc -  faciliter l'accès de leurs étudiants à des parcours de formation et de leurs diplômés à des activités professionnelles dans le monde entier. IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈS86 Proposition 5 Développer l'attractivité de nos Écoles pour les étudiants étrangers De quoi s’agit-il ? Apprendre à considérer les étudiants étrangers à la fois comme, :  par leur présence, un moyen convivial pour ouvrir à l’international les étudiants français  et par leur passage, des relais potentiels des savoir-faire français au sein de leurs propres écosystèmes économiques et sociaux. Nos Écoles se doivent de bien recevoir et accompagner les étudiants étrangers qu’elles sélectionnent. L’accueil commence en amont de la sélection et se prolonge après le dé- part. Avec des capacités d’accueil compris entre 10% et 25% du total et en moyenne une douzaine de pays d’origine, la masse et la variété des étudiants à recevoir et enseigner justifie d’ores et déjà un soin tout particulier. De plus la volonté de développer l’ouverture à l’international ne peut que se traduire par un éventuel renforcement des capacités d’accueil et un élargissement de l’éventail des nationalités. Comment faire pour ? 1. Pour ce qui est de la qualité de l’accueil, elle est à construire et contrôler sur les bases même de la qualité des processus. Non seulement la promesse doit être attractive, concurrentielle, mais aussi et surtout elle se doit d’être tenue. Nous recommandons que par exemple les forces vives mobilisées dans nos Écoles par le développement à l’international soient également orientées vers cet aspect complémentaire et exemplaire qu’est l’accueil des étudiants étrangers au sein des promotions. 2. Le niveau relativement bas des frais de scolarité spé- cifique à nos Écoles est à la fois à traiter comme un ar-87 gument positif au plan des conditions matérielles et comme une objection potentielle quant au niveau de l’enseignement. Ce découplage est, à notre avis, à effectuer non pas seulement École par École, mais aussi par des actions d’information et de clarification communes. 3. Nous recommandons qu’un soin tout particulier soit apporté à la formation des divers agents, quel qu’en soit le niveau, affectés à l’accueil des étudiants étrangers, au plan culturel et linguistique. Une disposition pratique, dont la mise en œuvre dépend de la Direction de nos établissements, est le binômage, sur la base du volontariat, entre étudiants français et étudiants étrangers. 4. Attirer des étudiants de haut niveau potentiel, c’est aussi se placer de manière perceptible et attractive sur le marché des aides à la scolarité et autres bourses d’é- tude et de recherche. Si la présence d’étudiants étrangers en quantité suffisante dans nos Écoles d’ingénieurs est très souhaitable, celle de doctorants dans nos laboratoires et centres de recherche l’est tout autant. De plus, ces étudiants au niveau PhD peuvent, en contrepartie, contribuer à l’enseignement donné dans nos établissements dans le sens du mixage international recherché. Les fonds nécessaires peuvent être issus des activités rémunérées gérées par nos Écoles, en particulier leurs activités de formation continue. Pourquoi est-ce nécessaire ? Disperser dans l’économie mondiale des ingénieurs formés dans les Écoles françaises est un des moyens parmi les plus efficaces d’assurer avec profit la diffusion de notre savoir-faire technologique, et secondairement de notre langue et de notre culture. IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSProposition 6 Préparer et motiver les ingénieurs à oser et savoir développer une innovation De quoi s’agit-il ? Susciter chez les ingénieurs le goût pour l'innovation et sa mise en œuvre :  en faisant participer les élèves à des projets multidisciplinaires en collaboration avec d’autres entités : Écoles, entreprises innovantes, pôles de compétitivité, laboratoires de recherche  en organisant des échanges avec des entreprises sur le thème de l’innovation : visites, présentation de réalisations, de thèmes de recherche (journées R&T, roadmaps technologiques…)  en incitant les grandes entreprises à mettre leurs moyens techniques à la disposition des étudiants  en formant les étudiants à la propriété intellectuelle et à la stratégie de dépôt de brevet. Nous proposons de banaliser la démarche innovatrice en la faisant vivre aux ingénieurs dès leur scolarité, et en les aidant à perdre tout ou partie des inhibitions qui perturbent celui qui s'essaye à innover. Les actions suggérées plus bas pour parvenir à susciter un intérêt actif de la part des jeunes ingénieurs pour l'innovation ont tout naturellement des points communs avec celles qui figurent sur les pages dédiées au thème de la recherche et de l'entrepreneuriat. En effet, les connexions entre les trois thèmes innover, dé- couvrir, entreprendre sont nombreuses et fortes. Ceci pour rassurer quant aux extensions suggérées dans le contenu des cursus. En fait, les mêmes extensions feraient coup double, voire triple. Comment faire pour ? Plusieurs aspects spécifiques à cette problématique sont à 8889 prendre en compte : 1. Le développement des actions en collaboration avec les laboratoires et centres de recherche, ainsi que l'organisation de stages dans des projets collaboratifs et transdisciplinaires au sein des pôles de compétitivité. Le but est d'agir à la fois par la force de l'exemple, l'effet d'entrainement, dans une logique d'apprentissage. 2. L'incitation au dépôt de brevet dès la scolarité. Il s'agit de développer jusqu'à son terme la logique qui, audelà de l'utilisation pédagogique des travaux pratiques dirigés, permet l'organisation de travaux libres de découverte. Même si le droit des brevets peut continuer à être considéré comme affaire de spécialistes, l'examen de la brevetabilité d'un dispositif permet de démystifier le processus d'innovation. Sans compter l'effet récompense et encouragement obtenu par ce biais et l'impact pour les jeunes diplômés sur leurs débuts de carrière. 3. L'attribution par les associations d'anciens, et/ou les entreprises associées, d'un Prix de l'Innovation, sur la base d'un mémoire présenté devant un jury d'entrepreneurs, peut éviter à des vocations de s'endormir. En effet, pour oser développer une innovation, il faut savoir être capable de formaliser une idée neuve à propos d'un produit ou d'un processus. 4. L'organisation de forums d'échange avec les entreprises, sous forme de journées dédiées à la Recherche et Développement (R&D) ou à la Recherche et Technologie (R&T) qui permettront aux étudiants de mieux connaître les axes de développement des entreprises les aidant ainsi à orienter leur projet d’innovation en synergie avec les besoins de l’industrie. Ces échanges peuvent aussi se traduire par la mise à disposition par des entreprises « marraines » de moyens techniques pour la réalisation des projets. IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈS90 5. La mise en place d'un enseignement spécifique des techniques de créativité. De même qu'il existe une méthodologie de l'étude des systèmes ou de la résolution de problèmes, disciplines enseignées dans nos Écoles, il existe une méthodologie de la création. Pourquoi est-ce nécessaire ? Pousser de jeunes ingénieurs à considérer le recours à l'innovation comme une des bases de leur professionnalisme, au même titre que l'application des principes de la qualité globale ou la préoccupation de transdisciplinarité c'est, croyons-nous, répondre à la fois à : - un besoin à court terme, celui de la capacité d'anticipation de nos industries sur les attentes des clients et les exigences de la réglementation internationale, - un besoin à plus long terme : réaliser sur des bases saines ce que nous avons nommé ici la nécessaire métamorphose du métier. Les buts poursuivis sont, entre autres : de rapprocher l'ingénieur du centre rayonnant de l'activité industrielle, d'en faire plus encore qu'aujourd'hui celui qui est à la source du développement de régénérer le capital de savoir-faire de l'économie européenne en la mettant en position de participer de manière profitable aux échanges internationaux.91 Proposition 7 Préparer les ingénieurs à la création ou la reprise d’entreprise De quoi s’agit-il ? Développer la capacité à étudier et décider une création ou une reprise d'entreprise en leur donnant des idées claires sur les conditions à remplir pour réussir :  en insérant dans les programmes un module spécifique entrepreneuriat dont le contenu à la fois académique et pratique permettra aux élèves de mettre en œuvre leur projet dans les meilleures conditions  en stimulant les associations d'anciens élèves à constituer des club d'adhérents réunis autour de cette activité et en intégrant les associations d’entreprises innovantes dans la démarche générale. Créer ou reprendre une entreprise, même si ces deux démarches peuvent s’appuyer sur des processus différents, nécessite la maîtrise de savoir-faire communs. Dans le premier cas, la création est envisageable en tout début de carrière car elle repose d’abord sur l’idée et la personnalité du créateur. L’obtention du financement se fera principalement sur l’évaluation de la crédibilité de ces deux critères. La reprise, quant à elle, implique au-delà du projet luimême, pour étayer les dossiers de financement, l'existence de références professionnelles solides souvent difficile à justifier pour des jeunes diplômés. C’est pourquoi il nous semble important d’apporter aux futurs ingénieurs ce tronc commun de savoir lié au management des entreprises pendant leurs études qui leur permettra d’avoir la capacité à saisir les opportunités de création ou reprise qui pourront se présenter au cours de leur vie professionnelle. Cette formation académique devra être complétée par des études de cas qui devront couvrir au mieux le champ des IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSvariantes possibles, et venir étayer des bases plus théoriques sur le fonctionnement global d'une entreprise, y compris dans ces dimensions finance, marketing, juridique et économique. Nous proposons également de généraliser une disposition déjà prise par quelques Écoles et d'aller jusqu'à encourager la mise en place d'un dispositif commun à des établissements géographiquement proches associant autant que faire se peut des cursus techniques, commerciaux et financiers. Cette formation devra bien entendu être coordonnée très étroitement avec tout ce qui concerne l’accompagnement de l’innovation évoqué dans la proposition précédente, car le passage de l'invention à l'innovation, du laboratoire à l'entreprise, implique la prise en compte de facteurs non techniques, le souci de la pérennité, la perspective de création de valeur ajoutée. Comment faire pour ? Plusieurs aspects spécifiques à cette problématique sont à prendre en compte : 1. La motivation à envisager cette prise de risque passe par une prise de conscience. Les étudiants ont à réaliser que si les aptitudes qu'atteste leur succès à un concours difficile ne suffisent pas à garantir leur réussite professionnelle, l'ingénieur, par sa formation et son expérience, est naturellement armé pour réussir la création ou le management d'une entreprise ; une telle aventure, si elle n'est jamais facile, est toujours possible. Le module de formation à mettre en place devra associer éclaircissements méthodologiques sur les pré- cautions à prendre et les erreurs à éviter, étude d'exemples remarquables et témoignages d'anciens élèves, peut-être sous forme de tables rondes thématiques. À ce stade, les difficultés doivent être clarifiées, non dissimulées et abordées en termes de problème à résoudre. 92Une entité de soutien (club d’entrepreneurs, association d’anciens …) devra apporter conseil, assistance pour les démarches administratives et la mise en relation avec les financeurs potentiels et les organismes susceptibles d’apporter leur concours, accès à un incubateur où trouver les moyens logistiques et un environnement privilégié de partage d’expérience. 2. L'immersion dans ce milieu particulier qu'est la petite, voire très petite entreprise créée autour d'une innovation implique la recherche d'ouverture de stages productifs dans ce type d'entreprise. Si les Écoles d’ingénieurs sont un lieu privilégié pour faire germer les idées, le stage est l’occasion pour l’élève de découvrir le monde réel du travail. Plus particulièrement, les stages dans les jeunes entreprises innovantes, au cours desquels les élèves sont immergés dans des équipes réduites, motivées, enthousiastes, où chacun a la possibilité de s’exprimer, sont de nature à susciter des vocations d’entrepreneur. Il en résulte que le mode de travail des entités dédiées à la gestion des stages sera à orienter vers plus de pro-activité et une meilleure contractualisation de l'échange de services entre stagiaire et entreprise-hôte. 3. Il sera aussi important à travers des stages, études de cas réels, projets personnels, de sensibiliser et faire participer les étudiants à la sphère décisionnelle d'une entreprise généralement de taille moyenne. Les cas envisagés devront couvrir l’ensemble du spectre entrepreneurial : création, reprise, croissance externe, retournement. L’implication à différents niveaux de chefs d’entreprises doit pouvoir compléter la théorie de manière très pratique à travers des échanges d'expériences et la transmission de savoir-faire managériaux. 4. La cartographie et la connaissance des dispositifs d'aide tant juridiques que financières, tant locaux que nationaux, devront être apportées par un module spécifique et la mise en place de relations structurées 93 IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSavec les incubateurs locaux et les structures de capitaldéveloppement ou de financement. La mutualisation de ces relations entre établissements supérieurs géographiquement proches est à favoriser. Pourquoi est-ce nécessaire ? Permettre à des ingénieurs de réaliser leur désir d'être à l'origine de leur entreprise en les mettant dans les conditions leur permettant de réussir, c’est libérer des forces considérables, génératrices de créations d’emploi et source de dynamisme pour notre économie et la vie sociale de notre pays. L'entrepreneuriat est un moyen d'exalter les forces vives de la société. L'ingénieur de grande entreprise risque à tort d'être perçu plus comme un gestionnaire d'idées ou de processus que comme un porteur de projets. Pourtant nombre d'entre eux ont su développer une mentalité d'intrapreneur. Cela prouve une aptitude latente, mais inexploitée, à la co-création d'entreprise. Nous pensons donc que les ingénieurs, quel que soit le moment où ils en sont arrivés dans leur vie professionnelle, doivent être, face au désir de faire naître une entreprise, débarrassés du complexe du “mes-études-ne-m'ont-paspréparé-à-ça”. Et ce d'autant plus qu'au contraire leur vie d'étudiant pourra être considérée a postériori comme le processus de création d'un entrepreneur potentiel... Un ingénieur ayant une dizaine d'années d'expérience comme cadre dirigeant possède à priori tous les moyens technologiques et managériaux requis pour envisager de reprendre une entreprise à condition qu'il ait acquis les moyens de comprendre et piloter les autres aspects, en particulier commerciaux, juridiques et financiers de la direction d'entreprise. En sus des moyens, il lui faut le mobile et l'opportunité. Le mobile peut être le désir de changer de dimension en matière d'autonomie et de responsabilité ou de faire face à une menace sur son propre emploi. Reste l'opportunité : les 94dispositions proposées ont pour but de l'avoir sensibilisé à la détection et à l'évaluation des occasions ouvertes. 95 Les buts poursuivis en insérant dans les cursus de formation des éléments, tant expérimentaux que cognitifs, sensibilisant et préparant les futurs ingénieurs à la création et la reprise d'entreprise sont :  d'enrichir le système industriel par l'éclosion d'entreprises innovantes à forte valeur ajoutée  d'augmenter l'attrait des études d'ingénieur en prouvant que ces formations ouvrent des perspectives de carrière multiple, et notamment celle, légitime, d'être son propre patron  de permettre aux ingénieurs d’avoir toutes les clés pour saisir ces différents types d’opportunités quelque soit le moment de leur vie professionnelle. IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈS96 Proposition 8 Rendre plus attractives les carrières en PME, et plus particulièrement dans les PME innovantes De quoi s’agit-il ? Aider les jeunes diplômés à faire un choix plus lucide, en montrant les avantages et les inconvénients respectifs d'un début de carrière dans une grande entreprise et dans une PME en organisant des rencontres et forums avec des dirigeants de PME et en impliquant ces derniers dans le cursus académique des Écoles d'ingénieurs. Il est utile, à ce stade, de fournir aux élèves-ingénieurs une meilleure perception de ce qu’est dans sa réalité humaine et sociologique le monde du travail en général, et de l’industrie en particulier. Savent-ils que près de la moitié des entreprises ayant une existence juridique et commerciale n’ont aucun salarié ? Que 90% des salariés travaillent dans des TPE ou des PME ? Qu’il n’y a que 2 000 entreprises de plus de 500 salariés 28 ? Cette répartition est en particulier valable pour les entreprises du secteur des industries manufacturières, extractives et autres, qui constituent le champ d’action historique des ingénieurs. Les inconvénients de la carrière en PME sont pour certains une réalité objective, comme le risque lié au syndrome de l’étranger à la tribu pour les entreprises familiales, la ré- munération déconnectée de toute échelle indiciaire, une perception élastique du concept d’horaire… Mais les avantages sont tout aussi objectifs, ainsi par exemple l’obligation d’oser prendre des responsabilités, le degré d’autonomie et l’exigence d’initiative, l’accélération du processus d’initiation aux réalités humaines, économiques et sociales. Le passage en PME peut au contraire être un accélérateur de carrière par une prise de responsabilité plus importante à âge égal. La PME peut être vécue sous l’angle d’une Université de la création ou de la reprise d’entreprise… Comment faire pour ? 1. Comme esquissé plus haut, la première voie d’accès à l’intelligence du monde grouillant de vie des PME est purement informative. Au-delà du choc des statistiques, un travail pratique de quelques jours consacré à l’exploration de quelques zones industrielles sera pour tout élève ingénieur normalement observateur un déclencheur efficace. Au pire, si subsiste une aversion pour la perspective PME, elle sera mieux documentée… 2. Pour induire une connaissance objective des potentialités des PME en matière d’accomplissement personnel et de lieu de développement d’une carrière, les Écoles devront être incitées à développer la pratique des stages dans des petites et moyennes entreprises innovantes. Pour un étudiant, ce type de stage, éloigné dans ses buts et plus encore dans sa substance d’un entraînement à la rédaction de rapports, peut être l’évènement fondateur d’une authentique vocation. Nous avons conscience du fait que le premier obstacle à vaincre est en la matière le manque d’expérience des membres des organismes qui, au sein des administrations de nos Écoles, gèrent les recherches de stage. Les dirigeants de PME ont besoin que leur soit vendue l’utilité pour eux et leur entreprise de tels stages. En effet, ils représentent objectivement, pour eux comme pour elle, une charge de travail dont la rentabilité immédiate est délicate à prouver. Si l’École est capable d’imaginer et fournir des services aux PME du bassin d’emploi le plus proche, alors des échanges de bons procédés deviennent possibles. 3. Les initiatives lancées par le Comité Richelieu visant à mettre en place un pacte PME-Etablissements 97 IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSEnseignements Supérieurs (EES) méritent, à notre avis, d’être mises en œuvre de manière proactive par les EES que sont nos Écoles. En particulier, les actions préconisées, dont des tables-rondes réunissant patrons de PME et étudiants, sont un moyen simple et relativement peu coûteux pour abattre quelques préjugés. Il nous semble également important que des chefs d’entreprise puissent intervenir dans le cadre de certains enseignements. Pourquoi est-ce nécessaire ? Les PME constituent l’essentiel du tissu industriel de nos économies. Bien moins visibles que les grands groupes, elles sont cependant globalement majoritaires dans le mélange. De plus, nombre d’entre-elles rassemblent ce que les journalistes économiques nomment les emplois induits. Externalisation, impartition, sous-traitance, niches technologiques… La vitalité de nos PME, leur pérennité, leur capacité d’anticipation et d’adaptation, dépendent des compétences de leur management technique, donc des ingénieurs qui en sont a priori des acteurs primordiaux. 98 Orienter dès l’acquisition du diplôme les ingénieurs vers nos PME, c’est à la fois :  stabiliser en profondeur et pérenniser notre tissu industriel  leur offrir des opportunités de carrière d’une grande variété qui sont une des meilleures préparations à la création ou à la reprise ultérieure d’entreprise.99 Proposition 9 Développer les synergies entre les formations d'Ingénieur et de Docteur De quoi s’agit-il ? Remplacer l'opposition quasi-sémantique entre ingénieur et docteur par une situation de conjugaison : non pas abolir les très utiles nuances opératoires, mais renforcer le socle de connaissances et de méthodes partagées. Nous proposons de mettre en place des dispositifs qui assurent simultanément : - des relations plus symbiotiques, encore qu'elles le sont actuellement entre les Écoles d'ingénieurs et les Écoles doctorales - un positionnement équitable, à l'international, du titre de Docteur, universellement reconnu et de celui d'Ingénieur, compris de manière assez différente selon les cultures. Comment faire pour ? Plusieurs démarches peuvent être envisagées : 1. Nous pensons possible de faire converger les efforts déjà réalisés pour développer la dynamique du docteur en entreprise - en particulier en généralisant un dispositif tel que les Doctoriales 29 - et celle de l'ingénieur dans la recherche. Si la présence simultanée sur certains campus d'Écoles doctorales et d'Écoles d'ingénieurs est une opportunité à exploiter, elle n'est pas à généraliser mais à concentrer, l'émiettage des IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSressources affectées à la recherche venant affaiblir sa capacité productive. 2. Le décloisonnement disciplinaire entre fonctions assez strictement technologiques et savoir-faire dans le domaine économique et social, attitude qui facilite l'intégration horizontale des innovations techniques, commence à produire ses premiers effets dans la formation des ingénieurs. Notre idée est, par contagion, de l'introduire dans les études doctorales, les doctorants étant en règle générale plus encore allergiques que les ingénieurs à penser client final. 3. Le titre d'ingénieur, s'il est reconnu en tant que tel dans quelques pays latins, est dans un nombre important de pays compris comme étiquetant un métier se limitant à la maîtrise d'applications ou d'objets techniques, sans exiger de capacités d'invention et de développement. Celui de docteur, a contrario, implique un savoir-faire plaçant son titulaire dans les plus hautes sphères de la connaissance et de l'expérimentation prospective. Notre idée est de mettre en place entre les deux formations, au-delà des passerelles existantes, des troncs communs méthodologiques permettant de certifier que l'ingénieur est capable d'abstraction, d'investigation, de conceptualisation généralisatrice, et le docteur ouvert, ou a minima semi-perméable aux réalités industrielles et commerciales. Pourquoi est-ce nécessaire ? D'une part, les points de choix entre les orientations ingénieur ou docteur sont souvent plus circonstanciels que raisonnés, et une erreur à ce niveau peut engager un étudiant dans une semi-impasse, d'où situation coûteuse tant au plan personnel que collectif. D'autre part, la compétition entre les deux titres est globalement contre-productive, car elle fait perdurer l'idée 100d'une spécialisation prématurée définitive, incompatible avec les exigences de mobilité professionnelle et d'adaptabilité qui caractérisent de plus en plus l'univers des professions industrielles dans un contexte de mondialisation semi-imprévisible. 101 Les buts poursuivis en interfaçant méticuleusement les études d'ingénieur et les formations des docteurs sont de :  préparer les uns et les autres à œuvrer de concert au sein d'équipes polyvalentes auxquelles est assigné un projet innovant  renforcer la notoriété internationale du titre d'ingénieur en lui donnant de facto la même valeur incontournable que celui de docteur, même s'il atteste de compétences partiellement différentes. IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈS102 Proposition 10 Réinventer les rapports entre recherche et enseignement De quoi s’agit-il ? Imaginer et mettre en œuvre une stratégie universitaire optimisant simultanément l'enseignement de la recherche : formation des chercheurs, et l’enseignement par la recherche : fonction pédagogique des chercheurs. Nous proposons de mettre en place des dispositifs qui assurent des relations plus synergiques encore qu'elles le sont actuellement entre : - les concepts de recherche, d'innovation, de projet industriel, qui manifestent des incompatibilités apparentes, car issus de finalités d'origines différentes, et qui sont à dé- passer à la fois dans les mentalités et dans les faits - les activités de recherche et les activités d'enseignement supérieur. Si les objectifs de la loi de programme pour la Recherche de 2006 peuvent être considérés comme pertinents, d'une part il convient de se donner les moyens de les atteindre, d'autre part certains peuvent être intensifiés, en matière d'évaluation formatrice et d'attractivité des carrières. Comment faire pour ? Plusieurs démarches peuvent être envisagées : 1. La recherche en pédagogie est à considérer comme un investissement essentiel à long terme : si les mé- canismes de l'analyse et de la synthèse sont certes fondamentaux, ils ne doivent pas masquer qu'il existe aussi des pédagogies de la créativité qui ne différencient pas l'utilitaire - c'est à dire la réponse à un besoin constaté - du désintéressé - réponse à un besoin potentiel. L'aspect culturel de la distinction handicapante pour l'efficacité industrielle, entre recherchepure, présumée relevant d'un don peu enseignable, et recherche appliquée, présumée relevant d'un apprentissage, peut être mis en évidence et domestiqué en intégrant dans les formations d'ingénieur des contacts avec des cultures technologiques qui ne pratiquent pas cette dichotomie réductrice. 2. La volonté de mettre en place, pour les ingénieurs, des formules d'enseignement par la recherche conduit à redéfinir la fonction d'enseignant-chercheur, fonction qui présuppose la maîtrise simultanée de compétences de natures très différentes. La nécessaire complémentarité entre recherche et enseignement gagnera à être stimulée : sélection rigoureuse des doubles profils, mise en place de binômes pédagogiques, stages d'assistants de laboratoire pour les élèves-ingénieurs, formation des chercheurs à la présentation méthodologique de leurs travaux,... 3. Le mode de fonctionnement des Écoles doctorales est à réorienter vers une labellisation des chercheurs prouvant leur capacité à communiquer avec le monde de l'entreprise tant en amont, en les incitant à fréquenter régulièrement le monde industriel - pendant leur thèse, puis en effectuant des stages sabbatiques d'exploration - qu'en aval, en leur apprenant à organiser leur recherche dans une perspective de vente du résultat et à communiquer au sujet de la valeur ajoutée transférable de leur démarche. Ces retouches ne peuvent que développer la capacité des chercheurs en poste à apporter à des élèves-ingénieurs un enseignement bien adapté. Pourquoi est-ce nécessaire ? Si la mondialisation des économies n'implique pas l'uniformisation des rapports entre recherche et enseignement, elle met de fait en compétition des paradigmes différents. Il est plus que probable que les plus aptes à porter un progrès durable sont ceux qui résolvent les contradictions non 103 IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSpar le cloisonnement mais par la mise sous tension mutuelle des facteurs. L'antagonisme intrinsèque entre la recherche, domaine de la liberté mentale et de la gratuité intemporelle, et l'enseignement, domaine du systématisme méthodologique et de l'applicabilité opérationnelle, doit être pragmatiquement exploité comme source d'énergie créatrice. 104 Les buts poursuivis en mettant en liaison autrement recherche et enseignement sont de :  développer notre capacité à former les ingénieurs, acteurs clefs du système industriel  rentabiliser les budgets de recherche en transformant leurs retombées pédagogiques en produits dérivés alimentant des processus d'enseignement supérieur performants.105 Proposition 11 Renforcer les capacités managériales de l'ingénieur De quoi s’agit-il ? Donner aux ingénieurs, dès leur formation initiale, les bases du processus mental leur permettant de dé- passer, une fois les premières expériences professionnelles acquises, une opposition infondée entre le métier d'ingénieur et le management. Nous proposons de faire comprendre aux élèves-ingénieurs que les concepts de la solitude de l'inventeur et de l'opacité du génie relèvent d'une simplification abusive, voire d'un déni de réalité : toutes les activités de l'ingénieur s'exercent de manière collaborative. Nous recommandons que les élèves-ingénieurs aient l'opportunité programmée de prendre conscience du fait que les mots clefs de leur profession sont projet, complexité, communication, coopération. Donc que tout ingénieur en activité est de fait co-manager d'une équipe, donc appelé un jour ou l'autre à assurer un management opérationnel. Nous ne disons pas pour autant que l'accès à une responsabilité formelle d'encadrement serait une espèce de pont aux ânes dans une carrière d'ingénieur. Nous disons que tout ingénieur doit avoir pendant ses études appris les bases du management. Comment faire pour ? Diverses approches pédagogiques ou même managériales peuvent être envisagées : 1. La pratique des travaux de groupe, déjà prévue dans les cursus scolaires, se doit d'être éclairée par des apports mettant en évidence l'impact dans le résultat de travail des modalités de communication interne, des styles de leadership des contributeurs, des positionIMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈSnements mutuels en matière d'organisation et de contrôle du travail commun. Autrement dit, il ne suffit pas pour les enseignants de noter le résultat, mais aussi d'évaluer le processus. 2. La possibilité d’acquérir, au cours de la formation initiale d’ingénieur, des compétences en matière de management d’équipes, de gestion d’entreprise, doit être encouragée ; ceci pourrait se faire par exemple à travers un double diplôme avec une École de commerce. 3. Un stage en entreprise est une occasion pour le stagiaire d'expérimenter in vivo une méthode de management, celle à laquelle il aura été soumis. Donner aux stagiaires des éléments permettant son décodage, son analyse, son évaluation serait une pré-formation au bon emploi du stage tout aussi utile que les prérequis scientifiques ou technologiques. 4. Les cadres dirigeants d'entreprise ont eux aussi une influence sur l'épanouissement et le bon usage des capacités potentielles des jeunes ingénieurs en matière de management. Les occasions sont nombreuses, entre le suivi périodique des affaires et les entretiens d'évaluation normés, de préparer leurs ingénieurs à étendre le domaine de leur implication et de leurs compétences managériales. Il convient donc d'évaluer dans ce domaine avec rigueur leur propre performance. Pourquoi est-ce nécessaire ? Qu'il soit intégré dans l'organisation d'une grande entreprise ou d'une institution scientifique, qu'il travaille en atelier, en laboratoire, en bureau d'études, qu'il soit expert dans une équipe polyvalente ou collaborateur d'un patron de PME, voire apprenti-créateur d'entreprise innovante, tout jeune ingénieur est confronté un jour ou l'autre aux questions : dois-je accepter telle responsabilité d'encadrement, de management d’entreprise et comment faire face ? 106107 Les buts poursuivis en inscrivant explicitement l'ouverture sur le domaine du management au programme effectif de nos Écoles sont de :  faire en sorte que les ingénieurs soient armés pour envisager une telle orientation avec succès  garantir à toute formation d'ingénieur cette dimension humaine qui seule donne sens à la dimension technologique des cursus. IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈS108 Proposition 12 Valoriser l'ingénieur comme acteur essentiel du progrès De quoi s’agit-il ? Remettre les métiers de l'ingénieur et les ingénieurs eux-mêmes à leur juste place, qu'il s'agisse de reconnaissance sociale ou de valorisation de l'activité, dans l'évolution de la société européenne, qui doit demeurer pôle mondial de progrès. Cette action passe forcément en amont par une amélioration de l’attractivité du métier donc du processus de formation. Faire rêver les jeunes - hommes et femmes - et déclencher l'intérêt des éducateurs en valorisant des carrières individuelles choisies pour leur exemplarité. Nous proposons de prendre en compte avec réalisme le dé- ficit d'image des métiers de l'ingénieur, non seulement en Europe de l'ouest, mais dans le monde entier, et de réagir sans complexe. Il nous semble indispensable que ces métiers soient à la fois, mieux définis, enseignés, connus pour finalement être mieux aimés. Le terme ingénieur doit être compris dans son sens premier, c'est à dire auteur, metteur en scène et acteur de l'innovation. Il faut encourager nos ingénieurs à évaluer positivement les chances que leur propose le plein exercice de leur métier, la nature des offres des entreprises étant à ce niveau déterminante. Et quoi de mieux que la preuve par l’exemple ? Enfin, nous souhaitons que, culturellement et économiquement parlant, l’ingénieur, cet assembleur de moyens et méthodes innovants, puisse contribuer au progrès de nos sociétés.Comment faire pour ? Plusieurs axes de travail peuvent être envisagés et mis en œuvre : 1. Un ensemble cohérent d'actions de promotion des métiers de l'ingénieur auprès des entreprises industrielles pour maîtriser la fuite des cerveaux vers certains métiers d'application qui sont perçus comme plus attractifs en termes de rémunération globale et même d'activité professionnelle. 2. Une clarification d’une part des équivalences entre les formations d'ingénieur européennes, voire mondiales, et d’autre part des différences entre les critères nationaux d'accréditation. L'activité de la Commission des Titres d'Ingénieurs à l'international, déjà bien engagée vis à vis du Canada francophone, serait à développer dans d'autres pays, sans oublier les pays émergents, à charge de réciprocité. L'idée ici est de mondialiser le titre d’ingénieur. 3. La Conférence des Grandes Écoles doit voir son action soutenue par les Associations d'Anciens en vue de la création d'une commission “Notoriété du métier d'ingénieur”. Ainsi elle pourrait devenir groupe de pression attentif aux initiatives gouvernementales et coordonner les efforts des multiples associations représentatives au plan national. 4. Une mise à contribution sites et forums dédiés, concours, didacticiels pour parler ingénieur aux jeunes, garçons ou filles. La création d’environnements d’apprentissage virtuel mobilisant le continuum Jouer, Apprendre et Travailler par la mise en place de jeux vidéo à base d’outils de virtualisation, favorisant l’apprentissage des sciences et technologies auprès des jeunes de 10 à 15 ans. L’industrie aéronautique se propose, dans ce cadre, de travailler avec l’Education Nationale à la création et à la mise à disposition de contenus pédagogiques. 109 IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈS5. La diffusion dans la presse nationale de la liste des titulaires des Prix des Ingénieurs de l’année, la création d’un événement dans le cadre de ces prix, l’édition des informations sur les ingénieurs qui font parler d'eux au-delà du cadre des revues spécialisées, tel pourrait être le rôle d'une cellule inter-associations dédiée à la notoriété des ingénieurs. Un éditeur serait-il intéressé à monter une collection spécifique du genre Ingénieurs d'hier et d'aujourd'hui ? Pourquoi est-ce nécessaire ? De nos jours, le désintérêt est alimenté par les comparatifs de salaires, le déficit de notoriété personnelle et même la timidité des ingénieurs à parler chaleureusement de leur métier à leurs enfants. Contrecarrer cette tendance baissière requiert des actions déterminées, continues, centrées sur les jeunes, garçons et surtout filles, de tous âges et de tous milieux. L'ingénieur semble, en tant que tel, être un des grands absents des processus décisionnels à haut impact, et en particulier du monde politique. Dans les grandes sociétés, ceux qui accèdent au niveau des comités de direction, comme des conseils d'administration, le sont presque toujours au titre de manager, trop rarement du fait de leur expertise professionnelle. D'où l'idée fort répandue que pour être ingénieur et reconnu, il faudrait s'extirper du cœur des métiers d'ingénieur. L'image de l'ingénieur est donc à exalter par tous les moyens, y compris la personnalisation des destinées. 110 Les buts poursuivis en renforçant et faisant connaître la capacité des ingénieurs à être co-acteurs du progrès sont de :  renforcer les attraits pour les métiers de l'ingénieur 111  répondre à un besoin vital pour le maintien du potentiel industriel français et européen  diversifier et élargir le bassin de recrutement pour développer les aptitudes à l'intégration dans des entreprises de cultures différentes et faire face à la pénurie de diplômés  rendre, par contagion médiatique, le titre attractif dans les diverses couches de la population. IMAGINER ET FORMER L’INGÉNIEUR DE 2015, ET APRÈS113 TABLE DES MATIÈRES À propos de ce document Editorial Introduction Sommaire général I Renforcer la dimension internationale I-1 Contexte et enjeux internationaux des Écoles d'ingénieurs I-1.1 Les enjeux géopolitiques et la compétition industrielle I-1.2 La taille critique des établissements et des infrastructures I-1.3 Le marquage international et la visibilité dans les médias I-1.4 L’appréciation des diplômes par les recruteurs à l'international I-1.5 L’importance de la multidisciplinarité et de l'innovation dans chaque discipline I-1.6 Les accréditations et les classements internationaux I-1.7 L’animation des réseaux internationaux I-1.8 La capacité des ingénieurs à gérer des hommes à l’international I-2 Points fort des Écoles d'ingénieurs à l'international I-3 Manque de visibilité et d'actions collectives à l'international des Écoles d'ingénieurs françaises I-4 Stratégie et moyens : nos propositions - V -II Développer l’innovation et l'entrepreneuriat II-1 L'ingénieur et l'innovation II-1.1 Ingénieur et innovation, une relation complexe II-2 Craintes et attraits de l’entrepreneuriat II-2.1 La vocation de créer ou reprendre une entreprise, et la capacité à saisir une opportunité II-2.2 La vocation d’entreprendre comme facteur de compétitivité économique II-2.3 La capacité de l’ingénieur à être entrepreneur II-2.4 L’entrepreneuriat comme nouvelle idée de carrière II-3 Connaissance des réalités de l’aventure entrepreneuriale II-3.1 La promotion du métier d’entrepreneur II-3.2 L’aide à ceux qui osent entreprendre II-3.3 L’alternative « créer ou reprendre » II-4 Stratégie et moyens : nos propositions III Accompagner la nécessaire métamorphose du métier III-1Ingénieur et chercheur : les constats, le contexte et les enjeux III-1.1 Les constats - L’ingénieur et le chercheur, acteurs du progrès - Des évolutions professionnelles et personnelles divergentes - La Recherche publique et l’entreprise, mondes à réconcilier III-1.2 Le contexte et les enjeux - La situation en France - La situation aux États Unis - La situation au Japon - La redéfinition des thématiques de recherche - La nécessité du décloisonnement entre les disciplines - La mise sous tension de la Recherche 114III-2 L'image du métier d'ingénieur auprès des jeunes et du corps social III-2.1 L'assèchement du pipeline III-2.2 Le soutien à apporter aux enseignants III-2.3 Le ton à adopter dans les médias III-2.4 La position de l’ingénieur dans le corps social III-3 Les capacités managériales de l'ingénieur III-3.1 L’expert et l’animateur d’équipe III-3.2 L’ingénieur, animateur d’un travail d’équipe III-3.3 Le management comme étape du parcours professionnel III-4 Stratégie et moyens : nos propositions III-4.1 Propositions pour réintégrer la recherche dans le métier III-4.2 Propositions pour valoriser le métier IV Imaginer et former l'ingénieur de 2015, et après IV-1 De quoi s'agit-il ? IV-2 Comment faire pour ? IV-3 Pourquoi est-ce nécessaire ? IV-4 Douze propositions de changement V Table des matières VI L’ISAE Executive Club 115 TABLE DES MATIÈRES117 L’ISAE EXECUTIVE CLUB L’ISAE Executive Club regroupe depuis deux ans des cadres dirigeants, des chefs d’entreprise, des consultants de haut niveau, couvrant tous les secteurs d’activités. Ses membres partagent le désir de consacrer du temps à : `  mettre en commun leurs expériences ;  alimenter un réservoir d'idées ;  proposer des solutions Il s'agit en effet pour eux d'exprimer des propositions motivées sur des enjeux de société, et de proposer des actions à effet durable visant à répondre à ces enjeux. L'objectif est, dans le cadre de la mondialisation des affaires et des échanges, d'apporter une contribution pertinente au progrès économique et social de leur sphère d'influence. Ils veulent aussi, en particulier, aider l’ISAE à mieux pré- parer ses étudiants à relever les défis qui les attendent. Ils ont fourni, à l’occasion de réunions de travail en commissions, réparties sur plusieurs trimestres, les matériaux dans lesquels ont été sélectionnés, organisés et mis en forme les chapitres et sections de ce livre. Liste des membres du Club : - VI - - Stéphane ALBERNHE (Roland Berger), - Arnaud d’ALIGNY (Goldman Sachs), - Michael ALLOUCHE (Israeli Aircraft Industries (IAI)), - Laurent BARON (Alstom Transport), - Pierre BASCARY (Nexeya), - Alain BASSIL (Air France), - Alain BELLEMARE (Hamilton Sundstrand), - Nejib BEN KHEDHER (Travelocity), - Jean-Claude BERNARDON (EDIFIXIO), L’ISAE EXECUTIVE CLUB118 - Patrick BIANQUIS (Air France), - Jacques BONGRAND (Agence de Mobilisation Economique + Conseil Général de l'Armement), - Edwige BONNEVIE (CEA), - Alain BORIES (OHB), - Michel BOSCO (European Commission), - Philippe BOUQUET (ATOS - ATG Tolkit OSL Systèmes), - Jérôme BOUR (DDS Logistics), - Lucien BOURELY (Brighterion), - Frédéric BOUTY (Nexter), - Alain BRUNELLO (Eurocopter), - Jean Marc CAGNIN (Honeywell), - Philippe CAMBRIEL (Gemalto), - Philippe CATTE (Messier-Bugatti), - Eric CAZEAUX (Siemens Transportation Systems), - Olivier CHALOUHI (Vuze, In), - Gérard CHARPENTIER (Communications Power Industries), - Rémi CLERO (L’artisan Parfumeur / Penhaligon’s / Erno Laszlo), - Jean-François CLERVOY (Novespace), - Laurent COLLET-BILLON (DGA), - Annie COMBELLES (DNV IT Global Services), - Laurent CAMBOURIEU (AMF), - Jean-Louis CONSTANZA (Orange), - Jean-Christophe CORDE (Safran), - Dominique COSTARGENT (SIAé), - Philippe COUILLARD (EADS Astrium), - José DA COSTA LOPES (Aon), - Olivier DAMBRICOURT (DCNS), - Etienne DEFFARGES (Accredite Health Inc), - Bertrand DELAHAYE (Safran), - Jacques DELPLANCQ (IBM), - Jean-Pierre DESTHUILLIERS (Adamantane), - Jean-Pierre DEVAUX (DGA), - Diego DIAZ (SYSTRA), - Antoine DUMURGIER (Accor Services), - Thierry DUQUESNE (CNES), - François DUVERGNE (901 D), - Jean-Luc ENGERAND (Snecma Propulsion Solide), - Didier EVRARD (Airbus), - Pierre FABRE (Turbomeca), - Catherine FARGEON (Conseil Général de l'Armement), - Guillaume FAURY (PSA), - François FAYARD (AGPM), - Daniel FERBECK (Siemens Transportation Systems), - Valérie FERREBOEUF (ECP), - Philippe FORESTIER (Dassault Systèmes), - Jean FOURNET (OTAN), - Olivier FOURURE (ISAE), - Yves GARANZINI (Société Générale), - Patrick GAVIN (Airbus), - Jean-François GEORGES (Dassault Aviation), - Patrick GOUDOU (Agence Européenne de la Sécurité aérienne), - Gilles GUERIN (HDF Finance), 119 - Thierry GUILLEMIN (Intelsat), - Gilles GUILLON (The Blackstone Group), - Patrick HAOUAT (Erdyn Consultants), - Eric HAYAT (Steria), - François HEBERT (Ministère de la Santé), - Baudouin d’HEROUVILLE (AXA Private Equity), - Jean-Paul HERTEMAN (Safran), - Jean-Claude HIRONDE (Dassault Aviation), - Benjamin HUNEAU (Colorado), - Robert ILUNZE (Marceau Investissements), - Blaise JAEGER (Thales), - Patrick JOHNSON (Dassault Systèmes), - Olivier JOURNET (Dassault Falcon), - Dominique Cécile LAFFY (Egon Zendher), - Xavier LAGARDE (Safran), - Jean-François LAGET (Cap Gemini), - Marwan LAHOUD (EADS), - Jean LAMY (FCI), - Norbert LANGLOIS (Barry Controls Aerospace), - Roger LARRIEU (Fondation ISAE-Supaéro), - Gérard LARUELLE (AsTech), - Damien LASOU (Accenture), - Jocelyn LAUDET (Quilvest Private Equity), - Jean LAURENT (CA – LCL), - Yves LECLERE (Safran), - Jean-Charles LEDE (Aurora Flight Scien. Corp.), - Jacques LEFEVRE (Stratorg), - Brice LIONNET (BNP Paribas Private Equity), - Dominique LLONCH (Alstom Power), - Philippe LUGHERINI (CILAS), - François LUREAU (EuroFLConsult), - Philippe LY CONG TRINH (Kpit Infosystems France), - Gérard MALHERBE (Actencia), - Pierre MARQUE (Deloitte), - Michel MASSELIN (Thales), - Jean-Marie MICHAUD (Tryba Solar), - Florent MOISE (ZS Associates), - Mathieu MONGES (Moovie Distribution, Inc.), - Bernard MORETTI (Association des Anciens de SUPAERO), - Patrice NAUDY (Booz & Co.), - Didier NEGRE (GECI International), - François NEVEUX (Alix Partners), - Jean-Marc NOZERAN (A.T.E.), - Louis-François PAU (Ericsson), - Jacques de PERETTI (AXA), - Thierry PETIT (DELL), - Steven PHAN, - Alain PICARD (Dassault Aviation & Fondation ISAE-SUPAERO), - Pascal PICAVET (Safran), - Jean-Marc PIZANO (A.T.E.), - Hervé PLUCHE (StoreXperience, Inc.), - Franck POIRRIER (Sodern- EADS), - Pierre-Eric POMMELLET (Thales), - Gratien de PONTVILLE (Ernst & Young), - Paul RAGETLY (Lazard), - Bernard RAMANANTSOA (HEC), - Christophe RAULT (Société Générale CIB), - Bruno REVELLIN-FALCOZ (Dassault Aviation), L’ISAE EXECUTIVE CLUB120 - Isabelle RONGIERPOMAGRZAK (CNES), - Joël ROSENBERG (Ministère de la Défense), - Sylvain ROUSSEAU (DCNS), - Jean SALANOVA (ISAE), - Michel SAUNIER (Byjets), - Nicolas SEKKAKI (SAP), - Pascal SENECHAL (Safran), - Marc SERUGHETTI (CoWare), - Patrick TEJEDOR (MBDA), - Jean-Marc THOMAS (Airbus), - Patrick TRAMIER (MBDA), - Walter VEJDOVSKY (HSBC / Nobel), - Dominique VILBOIS (ECA), - James YOUDALE (ILS - International Launch Services), - Olivier ZARROUATI (Zodiac Aerospace).Bernard Moretti - 35 rue le Marois - 75016 Paris - Tel : +33 1 40 71 09 09 - executive@amicale-isae.org Source : http://www.erdyn.fr/fr/uploads/livre%20blanc%20t%C3%A9l%C3%A9chargeable.pdf Date : 2011